L'allocation complémentaire accordée par l'employeur en plus des allocations de chômage dans le cadre de la prépension doit-elle être considérée comme un revenu de remplacement ?
Réponse de la direction des Etudes Juridiques du 2 octobre 1991. Réf.: E1321/K17. (extrait)
L'art. 3 de l'AR du 12 avril 1984 détermine ce qu'il y a lieu d'entendre par revenus de remplacement. De plus amples instructions figurent dans la CO 1130.
Les revenus de remplacement sont notamment les pensions, rentes, allocations, indemnités ou le traitement maintenu après, les 30 premiers jours d'une période d'incapacité de travail, accordés, entre autres, en vertu de dispositions légales ou réglementaires belges ou étrangères.
Les autres indemnités et allocations en sont exclues et sont, de plus, énumérées limitativement.
On peut déjà en déduire que les avantages accordés en dehors de toute disposition légale ou réglementaire ne peuvent être considérés comme des revenus de remplacement.
Il importe à présent de savoir si une Convention Collective de Travail appartient à la notion de " disposition réglementaire."
Si cette CCT a été déposée au Ministère de l'Emploi et du Travail à la demande d'un organe paritaire ou d'une organisation représentée au sein de
celui-ci, et a été rendue obligatoire par un arrêté royal (articles 18 et 28 de la loi du 5 décembre 1968 relative aux CCT), elle acquiert force de loi et devient ainsi une disposition réglementaire au sens de l'art. 3 de l'AR du 12 avril 1984.
La CCT n° 17, conclue au Conseil national du travail, complétée par la CCT n° 44, accorde à certains travailleurs âgés qui sont licenciés une allocation complémentaire à charge de leur dernier employeur, en plus de leurs allocations de chômage, pourvu qu'elle soit prévue par une CCT.
Il est très important de souligner déjà que la CCT n° 17 fixe les conditions minimums auxquelles doit répondre une CCT qui instaure une prépension.
La CCT n° 17 fait donc office de "CCT - cadre".
Par conséquent, lorsqu'on prévoit une allocation complémentaire dans une convention collective et lorsque celle-ci est déposée et, le cas échéant, rendue obligatoire par un arrêté royal, cette allocation doit être considérée comme un revenu de remplacement.
Ensuite, il faut considérer la situation où une allocation complémentaire est prévue dans une convention collective conclue au niveau de l'entreprise, qui n'est toutefois pas déposée ni rendue obligatoire.
En raison des éléments et des critères suivants, nous estimons qu'ici aussi l'indemnité complémentaire peut être considérée comme un revenu de remplacement.
Tout d'abord, il faut souligner qu'une convention collective conclue dans le cadre d'une CCT devenue obligatoire acquiert le même caractère de disposition réglementaire (tout comme un arrêté royal d'exécution d'une loi acquiert un caractère réglementaire).
Dans ce cas, toute CCT qui accorde une allocation complémentaire dans le cadre d'un régime de prépension, fût-elle conclue au niveau de l'entreprise, doit être considérée comme étant greffée directement sur la CCT n° 17. Si l'on n'accepte pas cela, on ne peut pas parler d'un régime de "prépension" au sens propre. En effet, le droit à une prépension conventionnelle doit être fixé dans une CCT, qui doit répondre à son tour aux exigences contenues dans la CCT n° 17.
Une CCT conclue au niveau de l'entreprise mais qui n'a pas été déposée, a-t-elle une existence valable ?
La Cour de cassation, dans son arrêt du 30 mai 1988, suivant ainsi les conclusions de son Procureur général X, déclare sans ambiguïté que même la CCT qui n'a pas été déposée est obligatoire, mais uniquement pour ceux qui l'ont conclue. L'obligation s'étend donc suivant la Cour aux personnes ou organisations signataires et aux affiliés de celles-ci.
L'existence légale de cette CCT ne peut par conséquent être mise en dout e.La convention estobligatoire en soi pour les parties, qu'elle ait été déposée ou non. De plus, son existence est opposable à chacun. On peut en effet difficilement nier le caractère sui generis d'une convention collective.
La théorie du droit affirme également qu'une CCT conclue au niveau de l'entreprise est totalement valable et obligatoire pour les employeurs et pour tous les travailleurs lorsque d'une part l'employeur et d'autre part une seule organisation représentative signent la convention (cf. M. STROOBANTS, Arbeidsrecht, Tome 1, 1989, 137).
Tout ceci indique clairement qu'une CCT non déposée a une existence valable en droit et que lorsqu'elle est basée sur une CCT obligatoire, elle acquiert un caractère réglementaire.
Troisièmement, la thèse que l'allocation complémentaire en question constitue un revenu de remplacement s'appuie sur la jurisprudence.
La Cour de cassation déclare:
- Considérant que le régime de l'allocation complémentaire pour les travailleurs âgés licenciés, (...), est lié au droit aux allocations de chômage, que ces allocations sont accordées en remplacement du salaire et que par conséquent le travailleur ne peut y prétendre que lorsqu'il devient chômeur sans salaire ou sans indemnité de remplacement du salaire au sens de l'art. 126 de l'AR du 20 décembre 1963.
- Considérant que l'interdiction de cumul de l'art. 9, §1, de la CCT n° 17 vise le même but, à savoir d'exclure le droit à l'allocation complémentaire qui, comme les allocations de chômage qu'elle remplace, est accordée en remplacement du salaire (...) (2e et 3e considérant de la deuxième partie de l'arrêt en cassation du 15 décembre 1980).
Quatrièmement, il nous parait également clair que quelle que soit la définition que l'on donne de la notion de revenu de remplacement (cf. par ex. C ORNU, Dictionnaire juridique, sous "revenu de remplacement", p. 711), l'allocation complémentaire et les allocations de chômage qui, comme on l'a dit plus haut, en constituent un complément et en même temps une condition, doivent être considérées comme un tout, qui doit remplacer la rémunération provenant de l'activité professionnelle du (candidat) prépensionné.
En d'autres termes, il n'est pas question selon nous de fractionner la prépension. Elle est composée de deux parties, allocations de chômage et allocation complémentaire, qui ne peuvent constituer séparément la prépension.
De plus, l'art. 4 de la CCT n° 17 stipule expressément que le droit à l'allocation complémentaire à charge de l'employeur dépend de l'octroi des allocations de chômage.
Autrement dit, pas d'allocation complémentaire sans allocations de chômage et pas de prépension sans allocation complémentaire.
Cinquièmement, il faut signaler que si l'on en décidait autrement, on introduirait une discrimination grossière. En effet, l'allocation complémentaire constituerait tantôt un revenu de remplacement, tantôt pas, selon que la convention collective sur laquelle elle est basée a été déposée et a été rendue obligatoire ou non.
Sixièmement et dernièrement, l'allocation complémentaire de la prépension n'a pas été exclue de l'énumération limitative qui figure à l'art. 3 de l'AR du 12 avril 1984 (cf. supra).
Note de la direction des Etudes juridiques du 2 octobre 1991. Réf.: E1320/Contr. (extrait)
Nous attirons également votre attention sur la note d'information 1988/17 dans laquelle on indiquait qu'un revenu complémentaire extra-légal accordé en vertu d'une convention paritaire ne constituait pas un revenu de remplacement.
On y démontrait que la convention collective n'avait pas fait l'objet d'un dépôt et n'avait pas été conclue dans le cadre plus large d'une convention collective approuvée par arrêté royal.
Cette note d'information n'est donc pas en contradiction avec la décision présente. Il convient d'observer que le régime de prépension a été élaboré dans le cadre de la réglementation du chômage et qu'il n'a donc rien à voir avec aucun régime de pension au sens strict.