I. APPLICATION DE L'ARTICLE 66, ALINÉA 1ER, LC - CM 574
L'article 66, LC, qui règle la question de la cession de la priorité, a été modifié par l'article 8 de la loi-programme du 19 juillet 2001. La circulaire ministérielle CM 574 du 20 novembre 2001 commente cet article 66, LC, modifié.
Une pratique de droit administratif étendue s'est développée au cours des années écoulées au sujet de l'interprétation et de l'application correctes de cet article 66, LC, et de la circulaire qui s'y rapporte. L'objectif de la présente lettre circulaire est de synthétiser les différents points de vue que le SPF Sécurité sociale a communiqués aux caisses d'allocations familiales dans des dossiers individuels et de les publier d'une manière générale.
La problématique concerne principalement les cas qui compromettent la validité juridique d'une cession qui a été effectuée. Signalons à cette occasion que la CM 574 précitée reprend les principes qui avaient déjà été formulés dans la CM 514 du 21 septembre 1992. Dans ce contexte, le SPF SS a affirmé à plusieurs reprises que " la cession demeure valable tant qu'elle n'est pas révoquée et qu'il existe effectivement et simultanément un droit auquel s'attache une priorité dont on s'est dessaisi et un droit non prioritaire auquel va s'attacher la priorité obtenue. Dès lors que l'un de ces deux droits cesse d'exister, la cession de priorité cesse d'exister. " Avec ce point de vue, le SPF entend assurer au maximum la stabilité des cessions de priorité existantes et simplifier le suivi des dossiers en cette matière.
Concernant la validité de la cession d'un droit, on distingue les points de vue suivants selon qu'il s'agit d'une modification de la situation de l'enfant (point 1), de la situation socioprofessionnelle d'un des attributaires du groupe principal (point 2) ou du chef de l'attributaire prioritaire au sens de l'article 64, LC (point 3).
1. Modifications de la situation de l'enfant - L'enfant quitte le ménage de l'attributaire qui a obtenu la priorité - La cession n'est pas révoquée
Lorsque l'enfant quitte le ménage de l'attributaire qui a obtenu la priorité, la cession reste valable. La cession ne deviendrait caduque que si le changement de la situation de l'enfant impliquait la fin d'un des deux droits (du chef de l'attributaire prioritaire et de l'attributaire non prioritaire).
1.1. Cela signifie que la cession qui a eu lieu avant le placement ne devient pas caduque suite au placement de l'enfant (au sens de l'article 70, LC).
Exemple :
Dans un ménage recomposé, le père est l'attributaire d'un enfant de son premier mariage. Les allocations familiales sont payées à sa seconde épouse. Celle-ci est attributaire et allocataire pour un enfant qui porte son nom. En vue de la simplification administrative (paiement pour les deux enfants dans le cadre d'un seul dossier), le père cède le droit prioritaire pour son enfant à sa seconde épouse. L'enfant du père est ensuite placé dans une institution au sens de l'article 70, LC. La cession reste valable, bien que l'enfant ne réside plus dans le ménage de l'attributaire qui a obtenu la priorité.
1.2. Le changement de domicile de l'enfant en cas de coparenté ne rend pas non plus une cession existante caduque. La situation peut être décrite de la façon suivante. Depuis la séparation de ses parents, l'enfant est élevé en coparenté et il réside effectivement et officiellement chez sa mère. Le père cède son droit prioritaire à la mère, bien que tous deux travaillent et que la cession de la priorité n'entraîne pas le paiement d'un montant plus élevé. Lorsque l'enfant rejoint officiellement le ménage du père, rien ne change en fait.
Exemple :
Coparenté. Le père, travailleur salarié, cède son droit à la mère, également travailleuse salariée, chez qui l'enfant réside. L'enfant va ensuite habiter chez le père. Dans ce cas, la cession ne devient pas caduque. La mère reste donc attributaire, même si le père demande que les allocations familiales soient payées à lui-même.
2. Modifications de la situation socioprofessionnelle des attributaires du groupe principal
En cas de cession en faveur d'un attributaire qui n'appartient pas au groupe principal parce que les personnes dans le ménage de l'enfant qui appartiennent effectivement à ce groupe principal ne peuvent ouvrir aucun droit aux allocations familiales, il y a lieu de suivre la situation familiale et professionnelle (éventuelle) de ces personnes qui appartiennent au groupe principal, même si elles ne sont ni l'attributaire prioritaire conformément à l'article 64, LC, ni l'attributaire à la suite d'une cession. Il est donc nécessaire de vérifier si ces personnes du groupe principal ne deviennent pas attributaires potentiels, étant donné que dans ce cas la cession existante deviendrait caduque.
2.1. Une personne qui appartient au groupe principal des attributaires et qui habite dans le ménage de l'attributaire qui a obtenu la priorité par cession, commence à travailler et devient ainsi attributaire potentiel.
Exemple :
Les parents sont séparés et élèvent leurs enfants sous le régime de la coparenté. Les enfants font partie du ménage de la mère, qui est sans profession et habite chez son père invalide (grand-père des enfants). Pour obtenir le supplément social 50 ter, le père (qui ne fait pas partie du ménage) cède son droit prioritaire au grand-père le 31 juillet 2006. En janvier 2008, la caisse d'allocations familiales apprend que la mère a travaillé du 1er octobre 2007 au 11 octobre 2007, de sorte que compte tenu de la trimestrialisation, elle devient attributaire potentielle du 1er octobre 2007 (ce n'est pas un nouveau droit du chef de l'enfant) au 31 mars 2008. La mère est ensuite sans profession.
Dans ce cas, le père reste l'attributaire prioritaire de manière ininterrompue, et le grand-père conserve aussi son droit potentiel. Suite au changement de situation professionnelle de la mère, la cession initiale du père au grand-père n'est plus valable juridiquement, et la mère devient donc attributaire pour une certaine période. Le père ne peut plus céder à nouveau son droit prioritaire au grand-père qu'après le 31 mars 2008, afin que le supplément social 50 ter puisse à nouveau être payé.
2.2. Un attributaire potentiel qui fait partie du groupe principal des attributaires vient habiter dans le ménage de l'attributaire qui a obtenu la priorité par cession.
Exemple :
Coparenté. L'enfant réside dans le ménage de la mère et du grand-père. La mère est sans profession et le grand-père est invalide. En vue de l'octroi du supplément social 50 ter, le père cède son droit prioritaire au grand-père. Le partenaire de la mère vient ensuite habiter dans le ménage du grand-père. Ce partenaire est travailleur salarié. En pareil cas, la cession initiale devient caduque.
3. Modifications de la carrière professionnelle de l'attributaire prioritaire au sens de l'article 64, LC
L'attributaire prioritaire au sens de l'article 64, LC, ayant une carrière professionnelle irrégulière dans laquelle alternent les périodes de droit et celles sans droit, peut céder son droit prioritaire pour toutes les périodes pour lesquelles il ouvrira à l'avenir un droit prioritaire dans le régime des travailleurs salariés. Ceci permet d'éviter qu'il doive renouveler la cession après chaque interruption de son droit.
Exemple :
Un ménage se compose du père, de la mère et des enfants. Le père est exclu du droit aux allocations de chômage ; la sanction constitue un obstacle absolu pour le droit aux allocations familiales. Il travaille de temps à autre une semaine comme intérimaire. La mère a une carrière professionnelle stable. Afin d'éviter que le père doive renouveler la cession lors de toute nouvelle occupation, il peut céder son droit prioritaire pour toutes les périodes pour lesquelles il peut ouvrir un droit dans le régime des travailleurs salariés.
II. APPLICATION DE LA DÉROGATION GÉNÉRALE SUR LA BASE DE L'ARTICLE 66, ALINÉA 4, LC - CM 599
1. Application de la dérogation générale
En application de l'article 66, alinéa 4, LC, une nouvelle dérogation générale est prévue dans la CM 599 du 16 juillet 2007. Ainsi, l'attributaire non prioritaire du groupe principal d'attributaires est désigné comme attributaire prioritaire si un montant d'allocations familiales plus élevé peut être accordé. Cet attributaire doit toutefois faire partie du ménage de l'enfant. La dérogation générale reste applicable tant que ces deux conditions sont remplies. Les dispositions de cette circulaire sont entrées en vigueur le 1er octobre 2007.
En vue de l'application correcte de la dérogation générale sur la base de l'article 66, alinéa 4, LC, le SPF Sécurité sociale a énoncé les deux principes suivants :
- lorsqu'une cession de priorité a déjà été effectuée sur la base de l'article 66, alinéa 1er, LC (modèle V), et que la dérogation générale est ensuite applicable parce qu'un montant plus élevé d'allocations familiales peut être accordé du chef de l'attributaire non prioritaire - père, mère, beau-père, belle-mère ou personne avec qui la mère ou le père forme un ménage - en faveur d'enfants qui font partie du ménage, la dérogation générale prime ;
- lorsque la dérogation générale précitée est applicable, aucune cession de priorité ne peut être effectuée ultérieurement au moyen d'un modèle V, ni pour la personne qui est devenue attributaire prioritaire sur la base de cette dérogation générale, ni pour une autre personne faisant partie du ménage. Une cession de priorité au moyen d'un modèle V ne peut être effectuée que par une personne qui dispose du droit prioritaire sur la base de l'article 64, LC.
Exemple :
Les parents vivent initialement séparés et le droit aux allocations familiales est établi du chef de la mère, chez qui les enfants habitent. Le père est à ce moment travailleur indépendant. Vu que le revenu professionnel de la mère est inférieur au plafond, elle a droit à partir du 1er mai 2007 au supplément monoparental au sens de l'article 41, LC. Le 1er septembre 2007, le père revient vivre dans le ménage. Entre-temps, il est devenu travailleur salarié, de sorte qu'il devient attributaire à partir du 1er septembre 2007, avec effet à partir du 1er octobre. Il ne peut toutefois pas ouvrir le droit au supplément pour les familles monoparentales.
Bien qu'il ne s'agisse plus d'une famille monoparentale à partir du 1er septembre, la mère a, sur la base du mois de référence août, un droit trimestrialisé au supplément monoparental jusqu'au 31 décembre 2007. Dans cette situation, la mère reste l'attributaire prioritaire sur la base de la dérogation générale (montant plus élevé) jusqu'au 31 décembre 2007.
A partir du 1er janvier 2008, les conditions auxquelles la dérogation générale est accordée ne sont plus remplies (plus de montant plus élevé). Le père devient l'attributaire prioritaire à partir de cette date, en application de l'article 64, LC.
La cession de priorité au moyen d'un modèle V reste en effet valable tant que les deux droits persistent simultanément et côte à côte, dans la mesure où la dérogation générale n'est pas appliquée. Dès que les conditions pour appliquer la dérogation générale sont remplies, aucune cession de la priorité ne peut être effectuée au moyen d'un modèle V.
2. Application de la dérogation individuelle
Contrairement aux règles applicables pour la cession du droit prioritaire (modèles V), la dérogation individuelle reste en vigueur tant que l'attributaire auquel la dérogation individuelle a été accordée remplit les conditions pour être attributaire. Ce principe reste applicable lorsque l'attributaire prioritaire initial au sens de l'article 64, LC, perd la priorité.
Exemple :
Les parents sont séparés et exercent conjointement l'autorité parentale sur l'enfant mineur (pas de garde alternée). L'enfant est domicilié chez sa mère, chez qui il habite. Les deux parents travaillent. Aucun des deux parents ne peut ouvrir un droit à un supplément. Sur la base de l'article 64, LC, le père est attributaire prioritaire. Par dérogation individuelle, la mère est toutefois désignée comme attributaire prioritaire. Lorsque l'enfant atteint l'âge de 18 ans, la mère reste attributaire prioritaire sur la base de la dérogation individuelle.
3. Priorité de la dérogation générale sur la dérogation individuelle
La dérogation générale prime la cession du droit (modèle V) et la dérogation individuelle. Chaque fois qu'un montant plus élevé peut être accordé du chef d'un attributaire dans les conditions fixées dans la CM 599, cet attributaire ouvrant un droit à un montant plus élevé obtient la priorité. Ce principe s'applique, que la priorité ait été établie préalablement sur la base de l'article 64, LC, ou de l'article 66, LC (modèle V, dérogation individuelle).
Exemple :
Les parents sont séparés et exercent conjointement l'autorité parentale sur l'enfant mineur (pas de garde alternée). Les deux parents travaillent. Ni le père, ni la mère ne peuvent ouvrir un droit à un supplément. La mère est attributaire sur la base d'une dérogation individuelle. Elle tombe ensuite malade et a droit au supplément social 50 ter à partir du septième mois de maladie (taux plus élevé). Elle reste attributaire prioritaire, mais désormais sur la base de la dérogation générale et non plus sur la base de la dérogation individuelle. Lorsque la mère commence à travailler pour un salaire brut qui est supérieur au plafond, la dérogation générale n'est plus applicable et le père redevient attributaire prioritaire sur la base de l'article 64, LC.
4. Devoir d'information des caisses d'allocations familiales
Dans le cadre du devoir d'information tel qu'il est exposé dans la CM 574, les caisses d'allocations familiales sont tenues d'informer les attributaires et les allocataires de la possibilité d'une cession de la priorité chaque fois que celle-ci comporte un avantage pour ces familles.
Exemple :
Une caisse d'allocations familiales paie sur la base des prestations du père qui ne fait pas partie du ménage. La mère chez qui les enfants sont élevés est malade de longue durée et peut ouvrir un droit à au supplément social 50 ter. Etant donné que la dérogation générale est appliquée lors de l'octroi du supplément social 50 ter du chef de la mère chez qui les enfants résident, les caisses d'allocations familiales ne doivent pas informer le ménage d'une cession de priorité possible. Grâce à l'application de la dérogation générale, les familles bénéficient déjà du supplément social. La dérogation générale prime la cession de priorité au moyen d'un modèle V.
A partir du moment où les conditions auxquelles la dérogation générale est accordée ne sont plus remplies (par exemple lorsque la mère recommence à travailler et que ses revenus dépassent le plafond), cette dérogation prend fin. La mère perd son droit prioritaire et le père devient attributaire prioritaire sur la base de l'article 64, LC. Les caisses d'allocations familiales ne doivent pas informer les familles à ce moment au sujet d'une cession du droit, parce qu'il n'y a plus aucun avantage.