- L'ignorance de l'intéressé concernant ses droits ne suspend pas en soi la prescription, visée à l'art. 120 L.C.
- Conformément à l'art. 120 L.C., la prescription est interrompue par une lettre (recommandée) contenant une demande ou plainte de l'intéressé.
Le texte comprend 2 éléments:
a) l'intention de ne pas laisser ses droits (élément intentionnel) se prescrire (exigence d'état d'esprit);
b) une lettre (élément matériel) comprenant une demande ou plainte.
- La CO 731 du 9 mars 1964 a traité le cas d'une caisse qui se rend compte à un moment donné que tout ce qui était payable (un supplément est encore dû) n'est pas payé. Le montant manquant ne peut plus être payé lorsqu'il n'y a pas de plainte ou de demande qui interrompt la prescription. Implicitement cela signifie que les paiements qui ont été effectués (qui ne couvrent pas le droit entier) n'interrompent pas la prescription.
- Le raisonnement précédent doit-il être suivi par analogie lorsque la caisse se rend compte que le paiement établi indûment a été récupéré indûment sous forme de retenues ou de versements volontaires de l'allocataire?
Un exemple peut éclaircir la question.
Concernant les années 1982-1983 un débit est établi en 1985 jusqu'à concurrence de 100.000 F.
Pour la période du 1er juillet 1985 au 31 décembre 1986, 80.000 F ont été récupérés sur des sommes encore dues. De janvier 1987 au 31 décembre 1987, 10.000 F ont encore été retenus et à partir de janvier 1988 cinq versements mensuels volontaires de 2.000 F sont effectués (2.000 F X 5 = 10.000 F).
Le 2 janvier 1990, lors d'une révision du dossier, on a constaté que le débit a été récupéré indûment. (erreur de la caisse).
Il faut préciser que le débiteur s'est résigné.
Solutions pour ce cas:
- Le remboursement des prestations retenues indûment reste limité à 3 ans, étant donné qu'il n'y a pas de demande ou de plainte. Donc toutes les retenues et tous les versements à partir du 1er janvier 1987 peuvent être remboursés (= 20.000 F).
- Les retenues et, a fortiori, les versements volontaires ont interrompu la prescription, avec un effet rétroactif de trois ans, de sorte que le montant entier peut être mis à la disposition de l'allocataire (= 100.000 F).
La question qui se pose est de savoir si les agissements cités correspondent à ce qui est exigé à l'art. 120 L.C. (à savoir demande ou plainte).
Réponse de la Direction des Etudes juridiques en date du 1er août 1990. Réf.: E0215/Contr. (extrait)
Les art. 120 et art. 120bis de la législation des allocations familiales traitent tous deux le problème de la prescription.
L'art. 120 L.C. détermine le délai dont l'attributaire dispose pour exercer son droit aux allocations familiales. En d'autres termes s'il omet dans un délai de 3 ans après l'ouverture du droit d'introduire une demande, son droit est prescrit.
L'art. 120bis L.C. détermine le délai dont les divers organismes disposent pour récupérer des montants qu'ils ont octroyés indûment. Il s'agit donc ici d'avoirs qui n'étaient jamais dus par la caisse et qui sont donc réclamés à juste titre à celui auquel ils ont été payés.
Le présent cas ne peut toutefois pas être rangé dans un des deux articles.
L'intéressé a bel et bien introduit à temps et valablement une demande sur la base de laquelle des allocations familiales lui ont été octroyées par l'organisme concerné pour la période 1982-1983. L'art. 120 L.C. n'est donc pas applicable.
L'art. 120bis L.C. n'est pas non plus applicable étant donné que la caisse passe indûment à la récupération. Les montants étaient dus à la personne concernée (ce qui apparaît d'une vérification ultérieure du dossier).
Il s'agit d'une récupération inéquitable, d'une situation qui n'est pas réglée dans les lois coordonnées et à laquelle les principes de droit commun doivent être appliqués.
Par cette récupération inéquitable la caisse a obtenu de l'argent qui ne lui était pas dû.
En vertu de l'art. 1376 du code civil celui qui, par erreur ou sciemment, a perçu ce qui ne lui était pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a reçu indûment.
La restitution de l'indu doit avoir lieu sur la propre initiative de celui qui l'a perçu.
En d'autres termes l'organisme d'allocations familiales qui lors d'une vérification du dossier constate que le recouvrement effectué a eu lieu indûment doit, sur sa propre initiative, rembourser le montant retenu à celui qui l'a payé -même volontairement- et ce sans pouvoir invoquer le fait que la personne concernée n'a pas introduit de demande à cette fin.
Nous croyons dès lors que dans l'exemple cité, en application du principe du paiement indu, les 100.000 F. doivent être remboursés à l'allocataire.