Il s'agit d'un problème d'application de l'art. 56decies L.C. tel qu'il a été introduit dans les lois coordonnées, à partir du 1er avril 1990, par l'art. 78 de la loi-programme du 22 décembre 1989.
Cette disposition donne au détenu la qualité d'attributaire dans le cadre des lois coordonnées elles-mêmes et enlève au droit de celui-ci, tout caractère subsidiaire.
Nous nous posons la question de savoir si l'attributaire qui fait l'objet d'une mesure d'incarcération, doit être considéré comme faisant toujours partie du ménage de l'enfant.
L'art. 56decies, §2 L.C. précise uniquement que "si le droit aux allocations familiales est subordonné à la condition que l'enfant fasse partie du ménage du travailleur salarié, cette condition est censée remplie lorsque l'enfant fait partie de ce ménage le jour où le travailleur est privé de sa liberté".
Cette disposition vise, selon nous, à éviter la perte du droit aux allocations familiales en cas de détention de l'attributaire.
Toutefois, la question de savoir si, de manière générale, l'attributaire détenu doit encore être considéré comme faisant partie du ménage de l'enfant, est importante aussi dans le cadre de l'application de l'art. 64 L.C.
Ainsi, il convient de déterminer l'attributaire prioritaire notamment dans les situations suivantes:
- le père salarié est incarcéré et la mère salariée reste dans le ménage avec les enfants.
- le père salarié est incarcéré et un concubin s'installe dans le ménage de la mère sans activité.
- le concubin salarié est incarcéré et un autre concubin s'installe dans le ménage de la mère sans activité.
Ne devrait-on pas considérer que l'attributaire détenu fait toujours partie du ménage de l'enfant sauf s'il est dûment établi (sur base des déclarations des intéressés par exemple) qu'il y a eu séparation effective?
Réponse de la Direction des Etudes Juridiques du 11 mars 1991. Réf.: E168/Contr. (extrait)
Pour régler la dévolution du droit (art. 64 L.C.), la question se pose de savoir si l'attributaire présent dans le ménage avant une période de détention, doit être considéré comme en faisant toujours partie alors même qu'il est incarcéré.
Comme vous l'indiquez, le §2 de l'art. 56decies a pour objet d'éviter qu'une condition d'ouverture du droit ne soit plus remplie en raison de l'éloignement de fait du ménage.
D'une manière générale, il nous semble que l'on peut considérer pour le règlement du droit aux allocations familiales, que le législateur a voulu figer la situation présente avant détention. Selon nous, la logique à laquelle se rattache la fiction introduite par le §2 de l'article étudié, conduit à considérer le détenu comme restant dans le ménage, pour la détermination du titulaire de la priorité.
Par ailleurs, l'art. 64 L.C. règle dans le sens du maintien du droit prioritaire, les cas de l'attributaire hospitalisé ou remplissant ses obligations en matière de milice, situations somme toute analogues.
Dans cet ordre d'idées, le droit établi en application de l'art. 56 decies dans les trois situations de fait envisagées par votre note, nous semble être ou demeurer prioritaire.
A notre avis, il ne serait pas opportun de disqualifier le droit ainsi établi sur base de simples déclarations des intéressés. Il serait en effet peu cohérent que les intéressés puissent avoir de la sorte prise sur un élément déterminant la priorité d'ouverture du droit, alors que le mécanisme de cession de cette même priorité (art. 66 L.C.) est en grande partie entravé par les mesures de D.T.A.
A notre sens, seule une décision judiciaire rendue durant l'incarcération, assignant aux époux des résidences séparées, pourrait être prise en compte pour modifier la dévolution du droit.