La présente circulaire a pour but de commenter les modifications apportées à l'article 66 des lois coordonnées par la loi-programme du 19 juillet 2001 pour l'année budgétaire 2001 (M.B. du 28 juillet 2001).
I. RAPPEL
Il y a lieu de rappeler que toute cession de priorité implique l'existence de droits concurrents et une hiérarchie entre ces droits déterminée par l'article 64, L.C. Toute cession de priorité suppose également un accord entre le titulaire du droit prioritaire et la personne à laquelle il cède son droit. Le refus ainsi que l'absence ou l'impossibilité de collaboration de la part d'une de ces personnes peuvent entraîner le recours à une dérogation ministérielle.
II. OBJECTIFS DES NOUVELLES DISPOSITIONS
La loi-programme du 19 juillet 2001 précitée a remplacé les deux premiers alinéas de l'article 66, L.C.
L'article 66, alinéa 1er nouveau L.C. poursuit un double objectif.
D'une part, inscrire dans les lois coordonnées le principe suivant lequel l'attributaire prioritaire apprécie lui-même l'intérêt de l'enfant en vue de céder son droit à un attributaire qui n'est pas prioritaire. Ce principe était déjà d'application suite à la circulaire ministérielle n° 563 du 17 mai 1999.
D'autre part, soumettre le droit de cession à certaines conditions afin que le droit prioritaire soit accordé d'abord à un groupe principal d'attributaires qui, en principe, s'occupent prioritairement de l'éducation de l'enfant. A cette fin, il est exigé que l'enfant fasse partie du ménage de l'attributaire non-prioritaire et que le droit soit cédé prioritairement au père, à la mère, au beau-père, à la belle-mère ou à la personne avec laquelle le père ou la mère forme un ménage de fait.
L'article 66, alinéa 2, nouveau L.C. détermine la date à laquelle le changement de priorité produit ses effets. Une rétroactivité de trois ans est désormais prévue lorsque le changement de priorité de la cession implique l'octroi d'un montant d'allocations familiales plus élevé.
III. CONDITIONS RELATIVES A LA CESSION (article 66, alinéa 1er L.C.)
Pour être valable, la cession doit répondre à plusieurs conditions. Trois conditions principales peuvent être distinguées. La première concerne l'attributaire prioritaire, les deuxième et troisième l'attributaire non-prioritaire.
1) La cession ne peut être réalisée que par un attributaire prioritaire en application de l'article 64 L.C. Sont par conséquent exclus, les attributaires qui ont obtenu la priorité suite à une cession ou une dérogation ministérielle; en effet, cette priorité se fonde sur l'article 66 L.C. et non sur l'article 64 L.C.
L'attributaire doit donner son accord1. Le modèle V demeure d'application.
Comme précisé ci-avant, c'est l'attributaire qui estime si c'est dans l'intérêt de l'enfant de réaliser une cession de droit.
2) L'attributaire non-prioritaire doit faire partie du ménage de l'enfant.
Il s'agit d'une situation de fait. Dès lors, la fiction juridique concernant la présence de l'enfant dans le ménage des deux parents ou l'éducation de l'enfant par les deux parents prévue explicitement aux articles 60 et 64 L.C. en cas de co-parenté, n'est pas applicable dans le cadre de l'article 66 L.C. Par ailleurs, lorsque l'enfant est placé en institution, une cession de droit ne peut être réalisée étant donné que l'enfant ne fait pas partie du ménage d'un attributaire.
3) La cession ne peut être accordée qu'en faveur d'un groupe principal d'attributaires faisant partie du ménage de l'enfant ou, à défaut, en faveur d'autres attributaires faisant partie du ménage de l'enfant.
- Le groupe principal d'attributaires est constitué des père, mère, beau-père, belle-mère ou d'une personne avec laquelle le père ou la mère forme un ménage de fait au sens de l'article 56bis, §2 L.C.
Dès qu'un ou plusieurs de ces attributaires font partie du ménage de l'enfant, la priorité ne peut être cédée qu'à l'un de ceux-ci. Aucune cession ne peut dès lors être effectuée en faveur d'autres attributaires n'appartenant pas à ce groupe ; c'est également vrai lorsque l'attributaire prioritaire est la seule personne de ce groupe qui fait partie du ménage de l'enfant.
Ex.: les parents de l'enfant sont séparés en janvier 2001. Le père hors ménage ouvre un droit prioritaire. La mère salariée et l'enfant font partie du ménage du grand-père pensionné. Le père peut céder son droit prioritaire uniquement à la mère étant donné que cette dernière fait partie du ménage de l'enfant et appartient au groupe principal d'attributaires.
Ex.: la mère salariée et son enfant font partie du ménage du grand-père pensionné. La mère ouvre un droit prioritaire. Elle ne peut céder son droit au grand-père étant donné qu'elle fait partie du ménage de l'enfant et appartient au groupe principal d'attributaires.
- Si aucun attributaire du groupe principal d'attributaires ne fait partie du ménage de l'enfant, le droit peut alors être cédé à un autre attributaire qui fait partie du ménage de cet enfant.
Ex.: les parents sont séparés en janvier 2001. Le père hors ménage ouvre un droit prioritaire. La mère n'ouvre pas de droit aux allocations familiales et vit avec l'enfant dans le ménage du grand-père pensionné. Le père peut céder son droit au grand-père étant donné qu'il n'y a pas d'attributaire qui appartient au groupe principal d'attributaires faisant partie du ménage de l'enfant.
IV. DATE A LAQUELLE LE CHANGEMENT DE PRIORITE PRODUIT SES EFFETS (Article 66, alinéa 2, L.C.)
Le principe général reste d'application, à savoir que le changement de priorité produit ses effets conformément à l'article 64, §3, L.C. En d'autres termes, la cession n'a d'effets que pour l'avenir.
Toutefois, l'article 66, alinéa 2 nouveau L.C. permet désormais d'accorder, sous certaines conditions, des cessions qui auront des effets également pour le passé. Ce type de cession est possible aux conditions suivantes:
- C'est l'attributaire prioritaire qui doit le demander. Il y a lieu de noter à cet égard qu'il n'est pas nécessaire que cet attributaire prenne l'initiative de cette demande. La preuve de la volonté de l'attributaire prioritaire de céder son droit pour une période passée déterminée suffit. Il est donc exigé que l'attributaire prioritaire ait marqué explicitement son accord sur la période considérée (ex.: signature de l'attributaire prioritaire d'un document mentionnant clairement la période de cession);
- La cession doit permettre l'octroi d'un montant d'allocations familiales plus élevé. Des cessions sans impact sur le montant des allocations familiales, par exemple en vue d'un regroupement administratif des droits auprès d'un seul organisme d'allocations familiales, sont par conséquent exclues;
- La cession ne peut porter ses effets au-delà des limites de la prescription prévue à l'article 120 L.C.
La disposition de l'article 66, alinéa 2, L.C. qui prévoit la possibilité de céder son droit pour une période passée, rétroagit au 1er juillet 1998. De cette manière, l'attributaire prioritaire peut céder à partir du 28 juillet 2001 son droit pour une période antérieure à cette date, dans les limites de la prescription.
V. ENTREE EN VIGUEUR DES NOUVELLES DISPOSITIONS ET REMARQUES DIVERSES
- Entrée en vigueur.
- L'article 66, alinéa 1er, L.C. qui instaure les nouvelles conditions de cession d'un droit prioritaire est entré en vigueur le jour de la publication de la loi au Moniteur belge, soit le 28 juillet 2001.
- L'article 66, alinéa 2 L.C. qui détermine la date à laquelle s'opère le changement de priorité produit ses effets à partir du premier jour du trimestre qui précède de trois ans la date d'entrée en vigueur de la loi, soit à partir du 1er juillet 1998 (voir ci-avant).
- Remarques concernant les cessions accordées avant et après le 28 juillet 2001.
- Les causes d'extinction des cessions demeurent inchangées (dénonciation de la cession par l'attributaire prioritaire, fin du droit de l'attributaire qui a cédé sa priorité, période de cession déterminée écoulée...). Ceci signifie que les cessions qui ont été réalisées avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions restent valables aussi longtemps qu'une cause d'extinction précitée n'intervient pas.
Ex.: un ménage est composé du père et de la mère salariés, de l'enfant et de l'oncle invalide. Le 15 février 2001, le père a cédé son droit prioritaire à l'oncle invalide. Cette cession demeure valable après le 28 juillet 2001. Par ailleurs, si le père décède en janvier 2002, l'enfant orphelin deviendra attributaire prioritaire le 1er avril 2002 ; la cession accordée initialement par le père à l'oncle invalide devient caduque étant donné que le droit du père n'existe plus.
- Si une cession a déjà été accordée en faveur d'un enfant avant le 28 juillet 2001 et qu'un droit est ouvert après cette date en faveur d'un autre enfant faisant partie du ménage de l'attributaire devenu prioritaire (par exemple, suite à une naissance), cette cession ne peut être valable à l'égard de ce dernier enfant que si elle n'est pas contraire aux nouvelles dispositions. Dans cette hypothèse et conformément à de précédentes instructions ministérielles, la déclaration initiale de cession peut être complétée à l'égard de l'enfant pour lequel le droit est ouvert ultérieurement. Si, par contre, cette cession n'est pas possible légalement, une nouvelle cession peut, le cas échéant, être réalisée en faveur de ce dernier enfant en respectant les nouvelles conditions, étant entendu que la cession initiale en faveur du premier enfant reste valable après le 28 juillet 2001.
Ex.: le père salarié, la mère chômeuse de longue durée et l'enfant font partie du ménage de l'oncle invalide. Le père prioritaire a cédé son droit le 1er mars 1999 à l'oncle invalide. La naissance d'un deuxième enfant a lieu le 10 novembre 2001. La cession initiale n'est pas valable à l'égard de ce deuxième enfant étant donné que l'oncle ne peut bénéficier de la priorité sur base des nouvelles dispositions. Le père devient donc attributaire prioritaire pour le deuxième enfant et l'oncle reste prioritaire pour le premier enfant. Si les parents se séparent en janvier 2002, le père pourra céder son droit, en ce qui concerne le deuxième enfant, à la mère chômeuse.
- Si une cession a été accordée avant le 28 juillet 2001 et qu'un montant d'allocations familiales plus élevé peut être octroyé pour une période antérieure à la date de cession, la cession initiale pourra être complétée conformément aux principes précédents, sous réserve du respect des nouvelles conditions. Dans ce cas, l'attributaire qui a cédé initialement le droit devra marquer formellement son accord sur la nouvelle période de cession. Cette nouvelle période de cession sera applicable pour le passé, dans les limites de la prescription.
Ex.: les parents sont séparés au mois d'octobre 1997. L'enfant vit dans le ménage de la mère chômeuse de longue durée. Le père hors ménage a cédé son droit prioritaire au mois de mars 2001 à la mère. Celle-ci réunit les conditions pour ouvrir un droit aux suppléments d'allocations familiales visés à l'article 42bis, L.C. depuis le mois d'octobre 1997. Le père marque son accord en novembre 2001 pour céder son droit également pour la période passée. A cette fin, la déclaration de cession initiale sera complétée en précisant que la cession est valable à partir du 1er octobre 1998 (limite de la prescription) et sera signée par le père.
- Il y a lieu de noter également que les dispositions légales telles qu'elles existaient avant le 28 juillet 2001 sont applicables aux cessions qui ont été réceptionnées par un organisme d'allocations familiales avant le 28 juillet 2001 et qui sont traitées après cette date4. Ainsi, par exemple, la cession de droit du père attributaire en faveur du grand-père est valable si elle a été réceptionnée avant le 28 juillet 2001, bien qu'elle soit traitée après cette date.
VI. DEVOIR D'INFORMATION DES ORGANISMES D'ALLOCATIONS FAMILIALES
Il convient de rappeler que les organismes d'allocations familiales sont appelés à aider les attributaires et les allocataires, à les informer sur les avantages et les inconvénients d'une cession en respectant les principes suivants:
- L'organisme d'allocations familiales compétent du chef de l'attributaire prioritaire donnera toute information concernant une cession de priorité et proposera une telle cession chaque fois que celle-ci présente un avantage pour les familles (ex.: suppléments d'allocations familiales).
Par ailleurs, lorsque les allocations familiales sont dues du chef de plusieurs attributaires en faveur d'un même allocataire, chacun des organismes compétents qui a en charge le paiement des allocations familiales peut, en vue de simplifier la gestion administrative des dossiers, proposer une cession de priorité.
- L'organisme qui ne deviendrait compétent qu'à la suite d'une cession ne peut proposer à l'attributaire de céder son droit prioritaire que lorsqu'un supplément aux allocations familiales visés aux articles 42bis et 50ter, L.C. peut être obtenu. Dans cette hypothèse, l'organisme d'allocations familiales devra préalablement vérifier si toutes les conditions relatives à l'octroi de ce supplément peuvent être remplies.
La présente circulaire produit ses effets le 28 juillet 2001.
La circulaire ministérielle n° 563 du 17 mai 1999 est abrogée.
EN BREF:
- La cession doit être accordée prioritairement à un groupe principal d'attributaires faisant partie du ménage de l'enfant ou, à défaut, à d'autres attributaires faisant partie de ce ménage.
- Le titulaire de la priorité estime si la cession est dans l'intérêt de l'enfant.
- La cession peut être accordée pour une période passée, dans les limites de la prescription, si elle implique l'octroi d'un montant d'allocations familiales plus élevé.