Suite à une demande de la Caisse Interprofessionnelle de Compensation pour Allocations Familiales de régler une divergence entre le secteur des salariés et le secteur des indépendants, relative à la réglementation applicable en cas d'exercice de l'autorité parentale quand l'enfant n'a pas la nationalité belge, l'Office a pris connaissance que la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (CDIP) a abrogé l'article 3 du Code civil.
Etant donné que l'abrogation de cet article a des implications dans la détermination des enfants qui sont à considérer comme soumis à l'autorité parentale conjointe - dite coparenté - prévue par l'article 374 du Code civil, la présente circulaire a pour but de donner les instructions à suivre depuis l'abrogation de cet article.
Pour rappel, l'autorité parentale conjointe, lorsque l'un des parents séparés élève l'enfant, conditionne la détermination de l'attributaire prioritaire au sein du régime (art.64, L.C.) et en cas de concours avec un droit du régime des travailleurs indépendants (art. 60, L.C.), ainsi que la détermination de l'allocataire (art. 69, L.C.), de la manière suivante:
- les parents séparés, tous deux salariés, sont censés toujours former un ménage, circonstance qui rend le père prioritaire;
- les parents séparés, l'un indépendant, l'autre salarié, sont censés toujours former un ménage, circonstance qui rend l'attributaire salarié prioritaire si ce dernier preste un mi-temps au moins et si l'attributaire indépendant n'ouvre pas le droit aux suppléments dus aux travailleurs invalides;
- entre les parents séparés, la mère est l'allocataire, comme dans la situation qui précédait la séparation, sauf si le père chez qui l'enfant est domicilié, revendique la qualité d'allocataire.
1. Droit international privé
Dans une situation présentant un élément d'extranéité, soit dans une situation non totalement belge, l'article 3 du Code civil constituait la source légale réglant, notamment, la question du droit applicable en matière d'autorité parentale. Cette disposition indiquait que la loi nationale de l'enfant détermine le régime d'exercice de l'autorité parentale auquel il est soumis. En conséquence, l'article 374 du Code civil ne s'appliquait que lorsque l'enfant concerné est belge. A l'inverse, il fallait considérer que les parents d'un enfant de nationalité étrangère n'exercent pas conjointement l'autorité parentale en application de l'article 374 du Code civil.
La loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (CDIP) a abrogé l'article 3 du Code civil. L'article 35, § 1er, alinéa 2, CDIP prévoit un facteur de type territorial, soit la résidence de l'enfant, pour déterminer le droit applicable en matière d'exercice de l'autorité parentale.
2. Principes généraux en matière d'octroi des allocations familiales
L'abrogation de l'article 3 du Code civil et l'application, en remplacement, de l'article 35, § 1er, alinéa 2, CDIP, ont pour conséquences que, dorénavant, pour l'application des articles 60, 64 et
69, L.C.:
- s'agissant d'un enfant élevé en Belgique, il convient de considérer, en cas de séparation des parents, que l'enfant est soumis au régime prévu par l'article 374 du Code civil, sauf production d'un jugement infirmant cet a priori ;
- s'agissant d'un enfant élevé à l'étranger par l'un de ses parents, suite à la séparation des parents, il convient de considérer que cet enfant n'est pas soumis au régime prévu par l'article 374 du Code civil.
En conséquence:
=> Quand l'enfant réside en Belgique, qu'il ait ou non la nationalité belge, la fiction juridique liée à la coparenté est appliquée, sauf existence d'un jugement déclarant l'autorité parentale exclusive/attribuant la garde à l'un des parents, jugement qui justifie la prise en compte de la situation de fait;
=>Quand l'enfant réside à l'étranger, qu'il ait ou non la nationalité belge, la fiction juridique propre à la coparenté est exclue au profit de la prise en compte de la situation de fait.
3. Précisions
3.1. Notion de résidence
Il s'agit du lieu où vit effectivement l'enfant.
3.2. Jugements à retenir pour prendre en compte la situation de fait lorsque l'enfant réside en Belgique
Aucune difficulté particulière ne concerne les décisions rendues par un juge belge statuant sur l'exercice de l'autorité parentale et décidant que cet exercice sera exclusif.
Pour les jugements étrangers décidant que l'autorité parentale sera exclusive/ attribuant la garde à l'un des parents, les caisses d'allocations familiales ne disposent pas des moyens nécessaires pour vérifier la validité de tels jugements (vérification de l'authenticité de l'acte produit, traduction de celui-ci, vérification des conditions de procédure et de fond). En conséquence, les caisses sont invitées à tenir compte des seules décisions de juges belges qui reconnaissent un jugement étranger ou qui déclarent un jugement étranger exécutoire en Belgique.
4. Application
Les nouvelles règles définies ci-avant sont en principe d'application à dater du 1er octobre 2004, date d'abrogation de l'article 3 du Code civil.
Compte tenu des impératifs administratifs, la présent lettre circulaire doit être appliquée comme suit.
4.1. Dossiers non en paiement au moment de l'entrée en vigueur de la présente lettre circulaire
Il s'agit de dossiers pour lesquels, soit aucun paiement d'allocations familiales n'a jamais eu lieu en faveur de l'enfant (ex. première naissance, première situation qui donne droit aux allocations familiales), soit une inter ruption s'est produite dans la compétence des lois coordonnées à régler la situation.
4.1.1.
Si aucun paiement n'a jamais été réalisé en faveur de l'enfant, les nouvelles règles prévues par la présente lettre circulaire sont applicables d'office et pour le passé également, sauf application éventuelle de la prescription de 5 ans visée à l'article 120, L.C.
4.1.2.
En cas de reprise de compétence des lois coordonnées, les nouvelles règles prévues par la présente lettre circulaire sont applicables d'office et pour le passé également, sous les réserves suivantes:
- si l'allocataire sur base des anciennes règles a perçu indûment les allocations familiales en application des nouvelles règles, aucun débit n'est établi à sa charge; en cas de lieu et place, des régularisations de compte sont cependant établies;
- si l'allocataire sur base des nouvelles règles doit percevoir un complément d'allocations familiales, ce complément lui est versé, sous réserve de la prescription de 5 ans visée à
l'article 120, L.C.
Exemple
Situation de fait
La famille vit en Belgique. Elle est composée du père salarié à temps plein, de la mère salariée et de deux enfants mineurs qui n'ont pas la nationalité belge.
Les parents se séparent le 1er avril 2006 et les enfants vont vivre chez la mère.
La mère devient travailleur indépendant le 1er mai 2007.
La mère redevient travailleur salarié le 1er novembre 2010.
Solutions appliquées
Lors de la séparation, vu que les enfants n'ont pas la nationalité belge, la situation de fait a déterminé l'établissement des droits à l'intérieur du régime des travailleurs salariés: => mère attributaire et allocataire.
Lors du début d'activité indépendante de la mère, le droit a été repris par le secteur des travailleurs indépendants, à nouveau sur base de l'examen de la situation de fait.
Régularisation du dossier
A partir du 1er novembre 2010, la caisse qui devra examiner le droit aux allocations familiales sera celle du père, en application de la fiction liée à la coparenté : => père attributaire et mère allocataire.
Elle devra revoir le dossier depuis la séparation des parents, soit depuis avril 2006, en application de la fiction liée à la coparenté:
Détermination de l'attributaire
=> Jusque mars 2006: père attributaire et mère allocataire.
=> D'avril 2006 à juin 2007: droit prioritaire du chef du père dans le régime des travailleurs salariés. Aucune régularisation ne devra être effectuée, ni en faveur de la famille, ni entre les caisses du père et de la mère (régime salarié).
=> De juillet 2007 jusqu'à la fin des paiements valides effectués par le régime des travailleurs indépendants : droit du chef du père. La caisse devra régulariser la différence entre le taux salarié 40, L.C., et le taux indépendant et effectuer un lieu et place avec le régime des travailleurs indépendants.
Détermination de l'allocataire
Sur la base de la coparenté, la mère demeure, sans interruption, l'allocataire.
4.2. Dossiers en paiement au moment de l'entrée en vigueur de la présente lettre circulaire
Vu l'impossibilité de réexaminer, lors de la publication de la lettre circulaire, l'ensemble des dossiers de manière à dépister les cas de séparation de parents d'enfants étrangers élevés en Belgique et d'enfants belges élevés à l'étranger, les caisses ne sont pas tenues de revoir d'office tous les dossiers.
Elles sont cependant invitées à revoir les dossiers à l'occasion de la survenance d'un évènement impliquant un réexamen. En toute hypothèse, elles doivent, au plus tard, revoir le dossier suite à une demande de la famille ou lors de la survenance de faits qui entraînent, sur la base des anciennes règles, un changement d'attributaire, d'allocataire ou de compétence pour au moins l'un des enfants de la famille, ainsi qu'en cas de nouvelle naissance.
Dans ces hypothèses, les nouvelles règles prévues par la présente lettre circulaire sont applicables d'office et pour le passé également, sous les réserves suivantes:
- si l'allocataire sur base des anciennes règles a perçu indûment les allocations familiales en application des nouvelles règles, aucun débit n'est établi à sa charge ; en cas de lieu et place, des régularisations de compte sont cependant établies;
- si l'allocataire sur base des nouvelles règles doit percevoir un complément d'allocations familiales, ce complément lui est versé, sous réserve de la prescription de 5 ans visée à
l'article 120, L.C.
Exemples
Exemple 1
Situation de fait
La famille vit en Belgique. Elle est composée du père travailleur indépendant et de la mère travailleur salarié prestant moins d'un mi-temps et de deux enfants bénéficiaires mineurs qui n'ont pas la nationalité belge.
Les parents se séparent le 15 novembre 2004 et les enfants vont vivre chez la mère.
La mère change d'employeur le 1er novembre 2010, pour un contrat à temps plein.
Solution appliquée
Vu que les enfants n'ont pas la nationalité belge, la situation de fait a déterminé l'établissement des droits: => mère attributaire et allocataire depuis décembre 2004.
Régularisation du dossier
La fiction liée à la coparenté doit être appliquée: => De décembre 2004 à novembre 2010: le droit du chef du père dans le régime des travailleurs indépendants aurait dû être maintenu vu que la fiction liée à l'application de la coparenté aurait dû être appliquée (la mère est considérée faire partie du ménage du père) et que la mère travaillait moins qu'un mi-temps.
Bien que la mère ait bénéficié à tort du taux salarié, aucun indu ne doit être créé à sa charge. Par contre un lieu et place doit bien être créé afin de récupérer auprès du secteur des travailleurs indépendants le montant dû par celui-ci. Il y lieu de rappeler qu'entre régimes d'allocations familiales, la prescription ne doit pas être appliquée.
A partir du 1er décembre 2010 (article 48, L.C.).
Le régime des travailleurs salariés est compétent du chef de la mère qui travaille à présent à plein temps, le père restant indépendant. La mère demeure l'allocataire.
Exemple 2
Situation de fait
La famille est composée du père salarié en Belgique, de la mère salariée en Belgique et de deux enfants bénéficiaires belges mineurs.
La mère va vivre en France à partir du 1er novembre 2010 avec le cadet des enfants, mais travaille toujours en Belgique et le père reste en Belgique avec l'aîné.
Solution
Etat compétent:
La Belgique demeure compétente en raison des activités des parents.
Attributaire prioritaire:
Pour l'aîné des enfants résidant en Belgique : la fiction liée à la coparenté doit être appliquée => le père est l'attributaire.
Pour le cadet des enfants résidant en France avec sa mère: la situation de fait détermine l'établissement des droits => la mère est l'attributaire.
Allocataire:
Pour l'aîné des enfants résidant en Belgique, la fiction liée à la coparenté doit être appliquée => la mère est l'allocataire, sauf si le père a demandé à être allocataire et que l'enfant est domicilié chez lui.
Pour le cadet résidant en France avec sa mère : la situation de fait détermine l 'établissement des droits => la mère est l'allocataire.
La présente lettre circulaire entre en vigueur le 1er novembre 2010.