Je vous prie de bien vouloir prendre note des principaux changements apportés au système des prestations familiales luxembourgeois par la loi du 23 juillet 2016 portant notamment modification du Code de la sécurité sociale et abrogation du boni pour enfant, publiée au Mémorial A n°138 de 2016, en vigueur depuis le 1er août 2016.
Cette loi, qui est l'aboutissement d'un lent processus qui a débuté il y a près de trois décennies, réforme profondément le système des prestations familiales au Luxembourg.
Les modifications apportées portent sur les points suivants:
- Opérateur
- Enfants bénéficiaires
- Prestations et montants
- Limite d'âge
- Délais de prescription
- Condition d'affiliation pour le travailleur intérimaire
1. Opérateur
L'ancienne "Caisse nationale des prestations familiales" (CNPF) est rebaptisée et porte désormais le nom de "zukunfskees" ou "Caisse pour l'avenir des enfants (CAE).
Les coordonnées de la CAE sont identiques à celles de l'ancienne CNPF.
2. Enfants bénéficiaires
Sont bénéficiaires des allocations familiales les enfants qui résident légalement au Luxembourg. En ce qui concerne les enfants non-résidents, ceux-ci doivent être membres de la famille du travailleur prestant son activité au Grand-Duché du Luxembourg.
L'article 270 du Code de la sécurité sociale définit comme membre de la famille " les enfants nés dans le mariage, les enfants nés hors mariage et les enfants adoptifs " de la personne qui travaille au Luxembourg et qui ouvre un droit aux prestations familiales en raison de ce travail.
Comparativement à l'ancien système, le champ d'application personnel est réduit de manière drastique puisque, auparavant, le droit aux allocations familiales était ouvert en faveur des enfants ayant un lien de filiation avec le travailleur ou son conjoint, ainsi que tous les enfants élevés dans son ménage.
Désormais, le droit aux prestations familiales est réservé aux seuls enfants propres et adoptifs du travailleur, tandis que les enfants du conjoint du travailleur ainsi que les enfants placés auprès d'un travailleur sont exclus du système.
Vous noterez, par ailleurs, que la notion de groupe familial avec la progressivité des montants qui y était liée a disparu.
Vous noterez enfin que la notion de charge principale qui existait dans l'ancien système est supprimée, avec pour conséquence que le travailleur peut désormais ouvrir un droit aux prestations familiales pour ses enfants propres, que ceux-ci vivent dans son ménage ou non, sans plus devoir prouver qu'il en supporte la « charge principale ».
Mise en œuvre de la mesure:
Les modifications apportées sont applicables à partir du 1er août 2016.
Il n'y a pas de maintien des droits acquis en cas de perte de droit/ , ni d'effet rétroactif en cas d'ouverture d'un droit à partir du 1er août 2016.
Impact pour les familles belges:
L'entrée en vigueur du nouveau système a pour conséquence directe, pour les non-résidents, que les enfants des conjoints ou des partenaires sont, depuis le 1er août 2016, exclus du bénéfice des allocations familiales luxembourgeoises parce qu'ils ne sont plus considérés comme des membres de la famille.
Cette catégorie d'enfants ne pourra donc jamais plus bénéficier des prestations familiales luxembourgeoises.
En cas d'exclusion, il y aura lieu, pour la Belgique, de vérifier si aucun droit dans le régime général ne peut être ouvert en faveur de l'enfant. A défaut d'un tel droit, il pourra être fait application de l'arrêté royal du 13 mars 2001 portant exécution de l'article 102, §1er, alinéa 1er, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés qui prévoit le versement des allocations familiales pour les travailleurs frontaliers en l'absence d'un droit, en application d'autres dispositions légales ou réglementaires belges ou étrangères, ou en vertu de dispositions applicables au personnel d'une institution de droit international public.
3. Prestations et montants
La nouvelle législation apporte des modifications au niveau:
- des allocations familiales;
- de l'allocation de rentrée scolaire;
- de l'allocation spéciale supplémentaire;
- de l'allocation de naissance;
- des chèques service d'accueil.
a) Allocations familiales
Le montant progressif allant de € 185,60, pour le premier enfant, à € 333,55, pour le dixième enfant, est supprimé et remplacé par un montant de base unique de € 265 par enfant et par mois pour chaque enfant qui entre dans le nouveau système (nouvel article 272).
Le boni pour enfant/ , qui était de 76,88€ par enfant, n'existe plus dans le nouveau système et est intégré dans le montant unique de 265€.
Le montant de base est désormais majoré mensuellement de € 20 pour chaque enfant à partir du mois où il atteint l'âge de six ans et de € 50 pour chaque enfant à partir du mois où il atteint l'âge de douze ans, alors que l'ancien système prévoyait une majoration d'âge de € 16,17 pour les bénéficiaires âgés de plus de 6 ans et de € 48,52 pour les bénéficiaires âgés de plus de 12 ans.
Mise en œuvre de la mesure
La nouvelle législation prévoit un système transitoire pour le montant de base puisque la modification ne concerne que les enfants ouvrant un droit aux prestations familiales après le 31 juillet 2016. En effet, les enfants bénéficiaires percevant des allocations familiales avant le 1er août 2016 continueront à percevoir, en principe jusqu'à la fin de leur scolarité mais dans tous les cas jusqu'à 25 ans maximum/ , un montant gelé se composant du montant de base majoré du boni.
Par contre, tous les enfants qui bénéficient d'allocations familiales profitent, à partir du 1er août 2016, de la majoration du supplément d'âge (€ 20 et € 50).
Les membres noteront que:
- les familles qui n'ont qu'un enfant passent automatiquement dans le nouveau régime et perçoivent un montant unique de € 265
- pour les enfants qui entrent dans le nouveau système, il n'y aura pas de groupement avec les enfants qui sont encore dans l'ancien système
- en cas d'interruption du droit après l'entrée en vigueur de la loi, l'enfant à nouveau bénéficiaire passe dans le nouveau régime et bénéficie d'un montant unique de € 265
Impact pour les familles
La mesure transitoire tend à garantir au ménage le maintien des montants sur lesquels il basait ses dépenses liées aux enfants avant la réforme.
Les enfants de familles nombreuses qui entrent dans le système à partir du 1er août 2016 bénéficieront d'un montant moindre, comparé à ce que les familles se trouvant déjà dans le système à cette date continuent à percevoir.
Illustration
Allocation avant la réforme et pour les familles
dans le système avant le 1er août 2016 |
Allocation après la réforme |
Enfants |
Montant
par enfant |
Boni par enfant |
Total |
Total par famille |
|
Montant par
enfant |
Total |
1 |
€ 185,60 |
€ 76,88 |
€ 262,48 |
€ 262,48 |
1 enfant |
€ 265 |
€ 265 |
2 |
€ 220,58 |
€ 76,88 |
€ 297,24 |
€ 594,48 |
2 enfants |
€ 265 |
€ 530 |
3 |
€ 267,58 |
€ 76,88 |
€ 344,02 |
€ 1033,38 |
3 enfants |
€ 265 |
€ 795 |
4 |
€ 291,14 |
€ 76,88 |
€ 368,02 |
€ 1472,08 |
4 enfants |
€ 265 |
€ 1060 |
Vous retiendrez donc que la réforme n'entraîne pas de perte sèche directe pour les enfants bénéficiaires qui étaient déjà et restent dans le système puisque, pour eux, les montants perçus sont en principe gelés, voire majorés dans la mesure où, d'une part, le supplément d'âge accordé aux enfants restant dans l'ancien système est aligné sur les nouveaux montants et, d'autre part, l'enfant unique passe, quant à lui, directement au nouveau système.
Vous noterez que lorsqu'un enfant relevant de l'ancien système cesse de bénéficier d'allocations familiales, la famille verra ses allocations familiales diminuer à concurrence d'une fraction représentant l'enfant qui sort du système.
Exemple concret
Famille composée de 2 enfants (ancien système) :
€ 440,72 (allocation familiale) + € 153,76 (boni pour 2 enfants) = € 594,48
Si, pour un des enfants le droit à l’allocation familiale s’arrête, la moitié du montant gelé reste acquis à la famille => € 594,48 : 2 = € 297,24
Si naissance d’un 3e enfant après la réforme: ajout du montant unique défini et retenu de € 265.
Total: € 297,24 + € 265 = € 562,24
b) Allocation de rentrée scolaire
L'article 275 modifie les articles 274 et 275 anciens qui prévoyaient une différenciation du montant de l'allocation de rentrée scolaire suivant l'âge des enfants et le groupe familial auquel il appartient.
Le montant de l'allocation de rentrée scolaire ne varie désormais plus en fonction du nombre d'enfants. Elle est désormais fixée à € 115 pour les enfants de plus de 6 ans et à € 235 pour les enfants de plus de 12 ans.
Mise en œuvre de la mesure
Ces nouveaux montants sont applicables dès août 2016 à tous les enfants bénéficiaires qu'ils relèvent de l'ancien ou du nouveau système.
Impact pour les familles
Une perte financière est constatée pour les familles comptant plus d'un enfant.
Illustration
Enfants |
Anciens montants
6 à 11 ans |
Anciens montants
plus de 12 ans |
Nouveaux montants
6 à 11 ans |
Nouveaux montants
plus de 12 ans |
1 |
€ 113,15 |
€ 161,67 |
€ 115,00 |
€ 235,00 |
2 |
€ 194,02 |
€ 242,47 |
€ 115,00 |
€ 235,00 |
3 |
€ 274,82 |
€ 323,34 |
€ 115,00 |
€ 235,00 |
4 |
€ 274,82 |
€ 323,34 |
€ 115,00 |
€ 235,00 |
c) L'allocation spéciale supplémentaire
Cette allocation a pour objectif la compensation des charges supplémentaires résultant du handicap d’un enfant.
L'article 274 modifie l'article 272 ancien.
Le montant de l'allocation spéciale supplémentaire octroyée en faveur des enfants présentant un handicap est augmenté et passe de € 185,60 à € 200.
Il n'existe désormais plus de disposition anti-cumul avec le RPGH- régime pour personnes handicapées ou un revenu équivalent étranger.
Les seules conditions à remplir sont l'existence d'un droit à l'allocation familiale et la présentation d'un certificat attestant du handicap.
L'allocation est octroyée jusqu’à l’âge de 18 ans accomplis et est maintenue jusqu’à l’âge de 25 ans accomplis (avant, 27 ans accomplis) à condition que l'enfant poursuive une formation.
Mise en œuvre de la mesure
Ces modifications sont applicables pour tous les bénéficiaires dès le 1er août 2016, c.-à-d. qu'elles visent aussi bien les anciens que les futurs enfants bénéficiaires de l’allocation spéciale supplémentaire.
Impact pour les familles
L'impact de cette mesure est favorable aux familles puisqu'elles se verront, dans ce cadre, octroyer des montants plus importants.
d) Allocation de naissance
L'allocation de naissance luxembourgeoise s’élève à € 1740,09. Elle est versée, sur demande, en trois tranches de € 580,03 chacune (allocation prénatale, allocation de naissance proprement dite et allocation postnatale).
Les articles 314 et 315 nouveaux prévoient l'incessibilité et l'insaisissabilité de ces prestations, sauf en cas d'indu envers la CAE.
Pour rappel, il n'y a pas d'exportation de l'allocation de naissance entre la Belgique et le Luxembourg.
e) Chèque service d'accueil (CSA)
Le CSA est une aide de l’Etat et des communes qui doit permettre aux familles de concilier au mieux leur vie familiale et vie professionnelle.
Elle vise tous les enfants âgés de 0 à 12 ans.
Cet avantage est désormais ouvert, depuis le 5 septembre 2016, aux travailleurs non-résidents et donc aux travailleurs frontaliers belges.
4. Limite d'âge
L'article 271 nouveau maintien le droit inconditionnel à 18 ans accomplis.
Les enfants de plus de 18 ans voient le paiement de l'allocation familiale limité au 31 juillet de chaque année et celui-ci ne sera repris que sur demande de maintien avec présentation d'une attestation scolaire.
Pour les enfants qui poursuivent un cursus scolaire, la limite d'âge pour le versement de l'allocation familiale est réduite à l'âge de vingt-cinq ans accomplis, alors que l'article 271 ancien fixait la limite à vingt-sept ans accomplis.
L'article 271 nouveau fixe également les conditions à remplir pour que le droit à l'allocation familiale soit maintenu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans accomplis.
Vous noterez un assouplissement des conditions d'études à partir de l'âge de 18 ans. En effet, alors que dans l'ancien système de nombreux jeunes étaient privés du bénéfice des allocations familiales alors qu'ils poursuivaient des études secondaires, du fait que la règlementation imposait que ces études devaient préparer à un «diplôme de fin d’études secondaires ou y assimilé », on constate que, désormais, cette condition a été supprimée et que la qualification des études ouvrant droit au maintien des allocations familiales a été élargie. Ainsi, les études éligibles sont : les études secondaires, les études secondaires techniques ou assimilées, les études ou formations adaptées aux capacités de l'enfant et l'apprentissage.
Le droit est maintenu pour autant que l'enfant poursuive ses études à titre principal, au moins durant 24 heures par semaine, dans un établissement d'enseignement au Luxembourg ou à l'étranger.
Nous vous rappelons, à toutes fins utiles, qu'il n'y a plus, depuis le 1er janvier 2010, de droit aux allocations familiales en faveur des enfants âgés de plus de 18 ans qui poursuivent des études supérieures. Cette allocation a, en effet, été remplacée par un système de bourse d'études allouée à l'enfant par l'intermédiaire du CEDIES.
5. Délais de prescription
L'article 213 modifie l'article 313 ancien. La prescription concernant le versement des arrérages non payés passe de 2 ans à 1 an.
L'article 315 qui fixe le délai de prescription pour constater et réclamer un indu passe à 10 ans au lieu des 30 ans anciennement appliqués.
Le raccourcissement du délai endéans lequel la caisse luxembourgeoise peut réclamer un indu répond à une recommandation formulée par le Médiateur afin de supprimer l'insécurité juridique dans laquelle les familles se retrouvaient pendant de très longues années.
6. Condition d'affiliation pour le travailleur intérimaire
Les règles déterminant une affiliation valable pour l'ouverture du droit aux allocations familiales sont modifiées.
Il faut désormais une "affiliation prépondérante pour chaque mois", c.-à-d. la moitié du mois plus un jour.
Pour rappel, dans l'ancienne législation, il suffisait qu'un travailleur soit affilié le 1er jour du mois pour ouvrir un doit aux prestations familiales. .
Impact pour les familles
En cas d'exclusion, il y aura lieu pour la Belgique de vérifier si aucun droit dans le régime général ne peut être ouvert en faveur de l'enfant. A défaut d'un tel droit, il pourra être fait application de l'arrêté royal du 13 mars 2001 portant exécution de l'article 102, §1er, alinéa 1er, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, comme indiqué ci-dessus, point 2.
En guise de synthèse vous retiendrez dès lors que:
-
Désormais seuls les enfants propres du travailleur ou qu'il a adoptés bénéficient des allocations familiales.
-
Les enfants bénéficiant déjà des allocations familiales voient leur situation gelée, sauf les enfants uniques qui basculent directement dans le nouveau système.
-
Les nouveaux enfants entrants dans le système tombent immédiatement sous les nouvelles mesures.
-
Il y a basculement immédiat dans le nouveau système en cas d'interruption puis de reprise du droit aux prestations familiales.
-
Seule une affiliation prépondérante permet au travailleur intérimaire belge de bénéficier d'une exportation des allocations familiales luxembourgeoises vers la Belgique.