1. Création des tribunaux de la famille et de la jeunesse
Avec la loi du 30 juillet 2013 portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse (loi TF&J), les tribunaux de la famille et de la jeunesse sont un fait. Concrètement, au sein de chaque tribunal de première instance est créée une section tribunal de la famille et de la jeunesse avec des chambres familiales, soit un tribunal de la famille. Ces tribunaux sont opérationnels depuis le 1er septembre 2014.
Ce tribunal de la famille centralise tous les litiges familiaux. Ce tribunal est notamment compétent pour les litiges en matière de divorce, de l'exercice de l'autorité parentale et/ou du régime de résidence de l'enfant, de la reconnaissance et de l'adoption d'un enfant, ainsi que pour certaines requêtes relatives à la désignation de l'allocataire (cf. point 2.1) ou certaines formes d'opposition au paiement à l'allocataire (cf. point 2.2).
Toutes les actions dont un tribunal de la famille est saisi par des parties qui sont (ou étaient) mariées ou cohabitants légaux ou qui ont ensemble un enfant mineur, ainsi que les actions en rapport avec le droit au contact personnel avec cet enfant, sont désormais rassemblées dans un "dossier familial". Le dossier familial désigne un regroupement physique de documents, qui est conservé au tribunal de la famille territorialement compétent.
La loi du 30 juillet 2013 prévoit également le principe de l'invariabilité territoriale du tribunal de la famille. Ce principe, qui est étroitement lié à l'intention de créer un dossier familial centralisé, implique que le tribunal de la famille qui a déjà été saisi d'une requête reste territorialement compétent pour toute requête ultérieure dans le contentieux familial entre les parties. Ce principe est important pour déterminer devant quel tribunal de la famille l'assuré social doit intenter, le cas échéant, une action en justice (cf. infra point 4).
2. Modification de l'article 69, LGAF
La loi du 30 juillet 2013 a entraîné un certain nombre de glissements de compétence sur le plan juridique en ce qui concerne les litiges en matière de prestations familiales. Par conséquent, l'article 69, LGAF, en particulier les § 1er, alinéa 5, et § 3, LGAF, a été modifié.
2.1. Contestations de la désignation de l'allocataire - Adaptation de l'article 69, § 1er, alinéa 5, LGAF
Contrairement au passé, ce n'est plus le tribunal du travail mais le tribunal de la famille qui est compétent pour les litiges relatifs à la désignation de l'allocataire sur la base de l'article 69, § 1er, alinéas 3 et 4, LGAF, dans l'intérêt de l'enfant. Lorsque les parents ne cohabitent plus mais exercent conjointement l'autorité parentale et que leur enfant est élevé chez l'un d'eux, un de ces parents peut désormais contester l'opportunité du paiement des allocations familiales devant le tribunal de la famille et demander à être désigné comme allocataire.
Exemple
Le père et la mère sont séparés. L'enfant commun est domicilié chez le père, qui a fait une demande suite à laquelle il est devenu l'allocataire légal. La mère introduit un recours contre cette décision devant le tribunal de la famille car elle a aussi 2 enfants plus âgés issus d'une relation précédente. Dans l'intérêt de l'enfant, elle veut aussi être l'allocataire pour le troisième enfant, car un groupement est alors possible, ce qui entraînera le paiement d'allocations familiales plus élevées pour le troisième enfant.
Le tribunal du travail reste toutefois compétent pour toutes les autres contestations relatives à la désignation de l'allocataire sur la base de l'article 69, LGAF, visant à contester la légalité du paiement.
Exemple 1
L'enfant déménage chez la grand-mère, suite à quoi la caisse d'allocations familiales change l'allocataire de la mère à la grand-mère. La mère introduit un recours contre cette décision auprès du tribunal du travail, car elle estime qu'elle assure encore l'éducation de l'enfant étant donné qu'elle prend en charge tous les coûts (école, vêtements, etc.), tout en donnant une indemnité locative à la grand-mère, suite à quoi elle estime être toujours l'allocataire légal.
Exemple 2
Le père et la mère sont séparés et ont un enfant en commun. La caisse d'allocations familiales paie à la mère. A la demande de ce dernier, la caisse d'allocations familiales commence à payer au père. La mère introduit un recours contre cette situation devant le tribunal du travail, car l'enfant est toujours domicilié chez elle.
Point important
Etant donné que la caisse d'allocations familiales est l'une des parties dans ce litige, elle est liée sans autre formalité par les jugements portés à sa connaissance via le greffe du tribunal de la famille ou du tribunal du travail.
2.2. Procédure d'opposition - Adaptation de l'article 69, § 3, LGAF
Ce sera désormais le juge de la famille, au lieu du juge de paix, qui aura connaissance de l'opposition du père, de la mère, de l'adoptant, du tuteur officieux, de l'administrateur judiciaire ou de l'enfant majeur lui-même au paiement des allocations familiales à l'allocataire désigné conformément à l'article 69, § 3, LGAF, à moins que le tribunal de la jeunesse ait été saisi de l'affaire sur la base de l'article 29 de la loi sur la protection de la jeunesse. Le juge de paix reste néanmoins compétent en cas d'opposition au paiement des allocations familiales à l'allocataire formée par le tuteur, le subrogé tuteur, le curateur ou l'attributaire.
En cas d'opposition (tant devant le tribunal de la famille que devant le juge de paix), la décision judiciaire aura pour conséquence que les allocations familiales doivent être payées à une autre personne que l'allocataire. Cette dernière conserve sa qualité d'allocataire, ce qui revêt notamment son importance en matière de groupement. Les directives données dans le passé sur ce point restent intégralement d'application.
Point important
Etant donné que les décisions que le tribunal de la famille ou le juge de paix prend en matière d'opposition sont basées sur la LGAF (article 69, § 3, LGAF), il suffit qu'une copie du jugement soit envoyée pour que la caisse d'allocations familiales soit tenue de s'y conformer.
2.3. Conclusion
En ce qui concerne les procédures relatives à la désignation de l'allocataire, le tribunal de la famille reprend une partie de la compétence du tribunal du travail (cf. point 2.1.). En ce qui concerne les procédures d'opposition, le tribunal de la famille reprend une partie de la compétence du juge de paix (cf. point 2.2.).
Le tribunal de la famille peut donc se prononcer tant sur la désignation de l'allocataire que sur l'opposition contre le paiement des allocations familiales à l'allocataire. La lecture du contenu concret du jugement rendu par le tribunal de la famille permet de déterminer s'il s'agit d'une désignation de l'allocataire ou d'une opposition au paiement des allocations familiales à l'allocataire.
Le tribunal du travail reste compétent pour tous les autres litiges relatifs au droit aux allocations familiales, par ex. concernant le montant.
On trouvera en annexe un aperçu des compétences des tribunaux qui se prononcent dans le champ d'application de la LGAF à propos des allocations familiales.
2.4. Point important
Les modifications précitées concernent uniquement l'article 69, LGAF, et n'ont aucune incidence sur la compétence du tribunal de la jeunesse telle que définie à l'article 70, LGAF.
3. Entrée en vigueur et incidence sur les procédures en cours
Les nouveaux tribunaux de la famille ont été instaurés à partir du 1er septembre 2014, et sont donc déjà opérationnels dès le début de cette année judiciaire. La loi portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse prévoit toutefois un certain nombre de mesures transitoires pour la poursuite du traitement des actions intentées avant le 1er septembre 2014.
Il est ainsi stipulé expressément que les nouvelles affaires tombent immédiatement dans le champ d'application de la nouvelle loi et que les affaires pendantes continuent à être traitées par le tribunal ou la cour devant lequel/laquelle elles ont été portées.
Les questions techniques et procédurales de ce droit transitoire relèvent de l'organisation judiciaire et sont donc de la compétence du SPF Justice. Les avocats désignés par les caisses d'allocations familiales doivent à cet égard se référer aux instructions en la matière du SPF Justice.
4. Adaptation des lettres de motivation et d'information
Suite à l'instauration du tribunal de la famille, le contentieux en matière de prestations familiales se retrouve dispersé entre trois tribunaux, à savoir le tribunal du travail, le tribunal de la famille et le juge de paix. La modification de la répartition de compétence juridictionnelle influence également les possibilités de recours dont l'assuré social dispose à l'égard de la décision d'une caisse d'allocations familiales dont dépend un allocataire. Pour informer correctement l'assuré social sur ses possibilités de recours, les modules de lettres concernés ont été adaptés afin d'indiquer si l'intéressé doit, le cas échéant, s'adresser au tribunal du travail, au tribunal de la famille ou au juge de paix, ainsi que les modalités applicables. Les modules adaptés sont joints en annexe de cette CO.
Une modification similaire doit être apportée aux lettres d'information sur la coparenté qui sont envoyées lorsque les parents se séparent de fait lors de l'apparition d'une situation de coparenté, que les caisses d'allocations familiales ont elles-mêmes créée.
Ces modules de lettres et lettres d'information adaptés doivent être utilisés sans délai.