Table des matières
1. Introduction
2. Textes applicables
3. Principes de base applicables en matière de récupération et précisions sur les notions utilisées
4. Exceptions au principe général du recouvrement: examen des hypothèses de renonciation fixées par la loi
1. Introduction
Suite à la publication de l'arrêté royal du 13 mars 2001 modifiant l'arrêté royal du 26 juin 1987 pris en exécution de l'article 119bis, L.C., il est apparu nécessaire de restituer l'ensemble des règles applicables permettant de renoncer au recouvrement de prestations familiales indûment payées et, ainsi, d'imputer l'indu à charge du fonds de réserve.
Cette matière en effet, bien que très sensible tant du point de vue des assurés sociaux que des caisses d'allocations familiales, n'a jusqu'à présent jamais fait l'objet d'une approche explicative globale.
Une telle approche est cependant indiquée dans la mesure où la faculté de renonciation à la récupération de prestations familiales payées à tort peut intervenir dans des hypothèses bien distinctes et à des moments différents de la procédure en recouvrement. Pour cette dernière raison, il était utile de repréciser les différents stades de la procédure en recouvrement ainsi que les fondements de cette procédure.
Le fil rouge de ce vade-mecum consiste à mettre en évidence la logique des différentes dispositions légales et réglementaires applicables en matière de faculté de renonciation au recouvrement. Ce n'est en effet qu'à partir d'une telle analyse qu'il est possible d'interpréter les textes en vigueur afin de disposer de lignes de conduites pratiques. Les lignes de conduite pratiques qui seront définies ci-après n'ont cependant pas pour ambition de " tout régler " dans une matière particulièrement complexe car, les praticiens du contentieux le savent bien, cette matière oblige bien souvent à des appréciations au cas le cas en raison des particularités des situations qu'il faut résoudre.
L'objectif poursuivi est donc essentiellement de baliser le terrain afin d' encadrer le pouvoir d'appréciation des caisses d'allocations familiales en la matière, et d'ainsi garantir le respect du principe d'égalité des assurés sociaux à l'échelle du régime.
En raison de cet objectif, il convient de préciser que ce vade-mecum ne s'intéressera pas aux situations dans lesquelles la renonciation au recouvrement doit obligatoirement et d'office intervenir, soit l'hypothèse de la prescription et le cas du débiteur décédé avant la notification du débit. Dans ces hypothèses en effet, la clarté des textes ne laisse guère de marge à l'appréciation des caisses d'allocations familiales.
A titre de dernière précision, il reste à dire que ce vade-mecum n'a pas non plus pour but d'approfondir à l'usage des seuls spécialistes du contentieux certaines questions juridiques particulièrement délicates. Au contraire, il s'agira de tenter de mieux documenter tout gestionnaire de dossiers confronté aux conséquences d'un paiement indu, sur les questions fondamentales qui se posent après la constatation d'un débit: pourquoi récupérer l'indu, comment récupérer l'indu, dans quelles conditions peut-on renoncer à récupérer cet indu ?
* Code civil: art 784 (renonciation à une succession), art 1235 et 1376 (obligation de restituer l'indu), art 1244 (facilités de remboursement octroyées par le juge).
* Code judiciaire: art 1409 (rémunération insaisissable), 1410 (prestations sociales insaisissables et retenues d'office), art 1675/2 à 1675/19 (règlement collectif de dettes).
* Charte de l'assuré social: art 15 (mentions devant figurer sur la notification de débit), art 22 (renonciation à la récupération de l'indu).
* Lois coordonnées: art 91, 106 et 119bis (imputation au fonds de réserve en cas de renonciation facultative ou obligatoire au recouvrement), art 120bis (prescription).
* Arrêté royal du 26 juin 1987 modifié par l'arrêté royal du 13 mars 2001: mesures d'exécution de l'article 119bis, L.C. (recouvrement aléatoire ou trop onéreux, recouvrement de sommes modiques).
* Circulaire ministérielle 432 (retenues d'office sectorielles).
* Circulaire de l'Office: C.O. 904 et 933 (retenues d'office sectorielles), C.O. 1184, 1266 et 1331 (commentaires de l'arrêté royal du 26 juin 1987), C.O. 1319 et 1325 (retenues d'office intersectorielles), 1332 et 1346 (communication et commentaires du vade-mecum).
* Notes d'information de l'Office : 99/3 (règlement collectif de dettes) et 2000/1 (délais de prescription, d'action en justice et de validité des jugements rendus).
On expose ci-après, même si cela peut paraître évident, pourquoi la récupération d'un indu est la règle, et l'absence de récupération forme l'exception, et on précise le sens des termes techniques utilisés.
1. Principe de la récupération des indus
Le bon sens veut qu'une personne ayant perçu une somme d'argent sans y avoir droit doive rembourser cette somme qui est qualifiée, en droit, d'indu. Cette règle de bon sens figure dans le droit civil et constitue la base de toute récupération d'un indu.
Cependant, alors qu'en droit civil qui règle les rapports entre les particuliers, le créancier peut librement renoncer à récupérer ce qu'il a payé à tort à son débiteur (remise de dette), en droit social, les institutions chargées d'une mission d'intérêt public ne peuvent agir à leur guise à propos des dettes des assurés sociaux.
En effet, les prestations sociales qui ont été versées indûment sont financées par la collectivité et cet argent public ne peut rester acquis aux personnes qui n'en sont pas les allocataires légaux. Fondamentalement, si l'assuré social ne remplit pas les conditions légales permettant l'octroi d'une prestation, aucun droit n'existe à cette prestation et si cette prestation a néanmoins été versée, elle doit obligatoirement être récupérée.
2. Modalités de la récupération/stades de la procédure en recouvrement
En préalable au recouvrement de la somme versée indûment, s'effectue la notification de l'indu à l'assuré social.
Cette notification d'indu constate l'existence d'un paiement fait en contravention de la loi, chiffre l'indu, et exige le remboursement de la somme payée à tort.
Pour être valable, cette notification doit contenir une motivation adéquate de la demande de remboursement. La motivation reprend deux éléments clefs, soit la motivation en fait (ce qui caractérise la situation réelle qui interdisait le paiement indu), et la motivation en droit (la présentation des dispositions légales et/ou réglementaires auxquelles contrevient le paiement indu).
La notification doit également contenir l'ensemble des mentions fixées par la charte de l'assuré social. Parmi ces mentions, figure la possibilité pour l'assuré social/débiteur de demander l'échelonnement du remboursement (mensualités).
Enfin, il faut rappeler que la notification du débit doit être faite sous pli recommandé, de façon à interrompre la prescription.
Suite à la notification du débit, le recouvrement peut être assuré selon les diverses modalités envisagées ci-après.
2.1. Remboursement volontaire par l'assuré social
La récupération de l'indu peut s'opérer par un remboursement unique ou fractionné si la caisse marque son accord sur cette dernière modalité. En pratique, suite à une demande de rééchelonnement du paiement, il convient de proposer au débiteur un remboursement étalé sur une durée raisonnable, compte tenu du montant de l'indu et des possibilités financières du débiteur.
2.2. Retenues d'office sur des prestations familiales dues ultérieurement ou retenues sectorielles
Contrairement au droit civil, en droit social, le mécanisme de la compensation automatique des dettes ne joue pas.
En conséquence, la dette d'allocations familiales de l'assuré social ne sera pas automatiquement diminuée du montant des allocations familiales qui lui sont dues après la notification du débit.
Des retenues d'office (c'est-à-dire des retenues décidées par le créancier sans autorisation préalable du juge) sur des allocations familiales encore dues sont cependant possibles, mais l'importance de ces retenues (pourcentage de retenue sur les allocations familiales dues) est impérativement réglée par la loi. En principe, ces retenues sont limitées à 10 % des allocations familiales dues ultérieurement, sauf les cas d'indus provoqués par une négligence, une omission et une fraude de l'assuré social, circonstances permettant des retenues jusqu'à 100 %.
S'agissant d'opérer des retenues sur des allocations familiales, soit des prestations de même nature que les prestations versées indûment, on parle de retenues "sectorielles".
2.3. Retenues d'office sur certaines prestations sociales autres que des prestations familiales ou retenues intersectorielles
Si après la notification du débit, il s'avère que des allocations familiales ne sont plus dues à l'allocataire/débiteur (par exemple, les enfants ne sont plus bénéficiaires ou ces enfants ne sont plus élevés par le débiteur), des retenues peuvent être opérées sur d'autres prestations sociales (pension, chômage, indemnité d'incapacité de travail, indemnité d'interruption de carrière professionnelle).
Ces retenues sont toujours limitées à 10 % de la prestation sociale sur laquelle elles s'opèrent.
S'agissant d'opérer des retenues sur des prestations sociales d'une nature différente des prestations familiales, on parle de retenues " intersectorielles ".
Pour ces 3 premières modalités de recouvrement (remboursement volontaire, retenues sectorielles et retenues intersectorielles), on parle de recouvrement à l'amiable : la récupération s'effectue sans qu'un juge ne soit saisi de l'affaire.
2.4. Recouvrement sur décision judiciaire
En principe, lorsque le recouvrement à l'amiable ne peut se réaliser, la caisse dépose, sans délai, devant le tribunal du travail, une requête demandant la condamnation du débiteur à rembourser l'indu.
Le juge vérifie si la réclamation de la somme mise en débit est conforme à la loi. Si tel est le cas, le juge ordonne alors un remboursement, éventuellement fractionné, de l'indu.
On parle à ce propos de recouvrement judiciaire : si la caisse obtient un jugement favorable et qu'un paiement volontaire du débiteur s'ensuit, le recouvrement s'effectue sans devoir utiliser des mesures de contrainte.
2.5. Recouvrement par exécution forcée
Le jugement condamnant le débiteur constate son obligation de rembourser l'indu.
Si cette condamnation n'est pas suivie d'effet, le jugement constitue également un titre exécutoire, ce qui signifie qu'il procure à la caisse le moyen de faire procéder à une exécution, c'est à dire à un " commandement " annonçant la saisie, puis à la saisie elle-même.
On parle à ce propos de recouvrement par exécution forcée : la caisse met en oeuvre une mesure de contrainte vis-à-vis du débiteur récalcitrant, sur base du jugement rendu.
2.6. Mise en oeuvre des différentes modalités de recouvrement
Sauf cas particuliers, il n'existe pas de gradation impérativement fixée par la loi entre les différentes modalités de recouvrement. Ces différentes modalités peuvent ainsi se cumuler.
Bien qu'en théorie, rien n'empêche, par exemple, une caisse d'allocations familiales de déposer une requête devant le tribunal du travail alors qu'elle est en train d'opérer des retenues, en pratique, la récupération doit concilier l'impératif d'un recouvrement à assurer dans un délai raisonnable, et le souci de ménager les conséquences sociales qui en découlent pour le débiteur.
Il est bien entendu très délicat de fixer des règles générales en cette matière. Il est cependant bien évident que, par exemple, des débits susceptibles d'être récupérés dans un délai raisonnable via des retenues ou des remboursements échelonnés, ne devraient pas justifier le dépôt d'une requête, et encore moins une exécution forcée sur base d'un jugement favorable.
La présentation des principes applicables en matière de faculté de renonciation au recouvrement qui sont développés dans les lignes qui suivent, part des 3 grandes hypothèses distinguées par la loi elle-même.
1. La renonciation à la récupération de l'indu au motif que le recouvrement s'avère techniquement impossible
Dans cette première hypothèse, il est matériellement ou juridiquement impossible de procéder à la récupération. Dès lors, la renonciation au recouvrement est autorisée car elle constitue en réalité la seule issue permettant de clôturer le dossier présentant le débit.
2. La renonciation au recouvrement pour des motifs d'efficacité, c.-à-d. parce que le recouvrement est trop aléatoire ou trop onéreux
La renonciation au recouvrement peut, dans cette deuxième hypothèse, essentiellement intervenir sur base d'une analyse coût/bénéfice concernant la poursuite du recouvrement. Dans ce cadre en effet, il est d'abord question de permettre aux caisses de renoncer à la procédure de récupération si le coût de celle-ci risque d'être supérieur aux sommes qui seraient récupérées.
3. La renonciation au recouvrement pour des raisons sociales, autrement dit, le recouvrement socialement contre-indiqué
Dans cette troisième hypothèse, il s'agit de permettre aux caisses d'arrêter le recouvrement s'il s'avère que la récupération causerait un plus grand tort social que l'absence de récupération.
Ces trois hypothèses distinctes offrent un éventail de solutions cohérent. La difficulté peut cependant résider dans le fait qu'à propos d'un dossier concret, on peut hésiter sur l'hypothèse à laquelle il faut rattacher ce dossier afin de justifier l'absence de récupération du débit. Les limites de ces 3 hypothèses seront donc précisées dans les lignes qui suivent.
1. Recouvrement techniquement impossible
1.1. Notion de " techniquement impossible "
L'impossibilité de procéder au recouvrement peut, au sens large, concerner différentes situations dans lesquelles la récupération est impraticable, soit pour des raisons juridiques, soit pour des raisons matérielles.
Comme la loi envisage de manière explicite certaines impossibilités du recouvrement pour des raisons juridiques (la prescription et l'absence de recouvrement à charge de la succession d'un débiteur décédé avant la notification du débit) qui impliquent la renonciation obligatoire et d'office au recouvrement, on ne prend en compte ici que les recouvrements devant s'opérer dans les situations suivantes
- le cas où le débiteur ne peut être identifié;
- le cas où le débiteur a disparu sans laisser de traces;
- le cas d'héritiers ayant renoncé à la succession;
- le cas où le débiteur bénéficie d'un jugement de règlement collectif de dettes lui octroyant la remise partielle de ses dettes;
- le cas où le débiteur est totalement insolvable.
1.2. Mise en oeuvre de la renonciation au recouvrement techniquement impossible
Les situations précitées dans lesquelles on peut conclure à l'impossibilité du recouvrement, présentent un caractère tout à fait hétéroclite. Pour cette raison, il peut être utile de distinguer ces situations selon le stade d'avancement de la procédure de recouvrement où elles peuvent intervenir.
1.2.1. Renonciations pouvant intervenir avant le premier stade de la procédure de récupération, soit avant la notification du débit.
- L'absence d'identification du débiteur.
Le cas typique à citer est celui du vol de titres de paiement (chèque circulaire ou assignation postale), vol demeurant non élucidé.
Dans cette situation, l'allocataire légal, soit la personne à laquelle était destinée le paiement, n'a pu toucher son dû. Un second paiement doit donc être réalisé au bénéfice de l'allocataire et le premier paiement doit être mis en débit.
Lorsque la plainte contre X, déposée au pénal par la caisse, n'aboutit pas à la condamnation de la personne ayant commis l'infraction, il y a bien impossibilité de recouvrement de l'indu.
- La disparition du débiteur.
Dans l'hypothèse du débiteur disparu sans laisser de traces, la caisse vérifie, dès qu'elle a connaissance de la " disparition ", si ce dernier possède encore des biens saisissables en Belgique. Si le débiteur possède des biens réalisables en suffisance, ceux-ci sont réalisés. A défaut de biens saisissables ou en cas d'insuffisance de ceux-ci, l'intégration du " disparu " est maintenue au cadastre, à compter de la dernière mise en demeure figurant au dossier, durant une période d'une longueur équivalente à la durée du délai de prescription prévu à l'article 120bis L.C. à savoir actuellement 3 ans à moins que le débit ne soit dû à une erreur de la caisse (1 an) ou causé par la mauvaise foi du débiteur (5 ans.). Le maintien de la période d'intégration ouverte permet à la caisse de rester informée de tout mouvement éventuel des données légales et socioprofessionnelles du débiteur. Si, durant ce délai, la caisse est informée que le débiteur est de nouveau présent sur le territoire belge ou perçoit des prestations de sécurité sociale belges, elle reprend contact avec lui. Passé ce délai, le dossier est imputé au fonds de réserve sur base du recouvrement techniquement impossible (art. 91, §4,4° ou 106, 5° L.C.).
L'impossibilité de recouvrement de l'indu peut être constatée lorsque la radiation d'office des registres communaux, seule information que peut fournir le R.N.P.P., est intervenue et que de plus, la caisse créancière n'a pu obtenir aucune précision sur le séjour en Belgique ou à l'étranger, du débiteur.
1.2.2. Renonciations intervenant après la notification du débit.
- La renonciation à la succession du débiteur.
Les héritiers du débiteur ont toujours la possibilité de renoncer à la succession (actif et passif), ce qui les libère du remboursement qui leur est demandé par la caisse: en perdant leur qualité d'héritier, il ne sont plus tenus d'assumer les obligations du débiteur décédé.
Cette hypothèse suppose que le débit a été notifié au débiteur avant son décès, sauf dans le cas particulier d'un débit provoqué par une fraude. En effet, il faut rappeler que sauf fraude, l'absence de notification de l'indu, du vivant du débiteur implique la renonciation obligatoire au recouvrement (en l'absence de retenue possible sur d'éventuels arriérés).
Il faudra considérer que le recouvrement est impossible lorsque la caisse aura été mise en possession des actes de renonciation à la succession de l'ensemble des héritiers, actes faits au greffe du tribunal de 1ère instance.
- La remise partielle de dettes par jugement intervenu dans le cadre d'un règlement collectif de dettes.
Le juge des saisies peut décider que le règlement des dettes d'une personne surendettée impose une remise partielle de dettes.
Une telle décision du juge des saisies interviendra lorsque la phase amiable du règlement collectif de dettes a échoué :
- soit parce que le médiateur de dettes n'a pu rédiger une proposition de règlement amiable dans le délai imparti;
- soit parce que la caisse, un autre créancier, le débiteur ou son conjoint, a refusé le plan de règlement proposé par le médiateur de dettes.
Pratiquement, la décision du juge des saisies pourra intervenir à n'importe quel stade d'avancement de la procédure de recouvrement suivant la notification du débit.
Communiquée aux créanciers par une notification du greffe, sous pli judiciaire, cette décision provoque l'impossibilité du recouvrement à l'égard de la partie de la dette d'allocations familiales faisant l'objet de la remise de dettes.
La possibilité de renonciation au recouvrement d'une partie ou de la totalité de la dette sur base d'une proposition du médiateur de dettes, situation toute différente, sera envisagée au point 3.4.4. ci-après.
- Le débiteur totalement insolvable.
La question de l'impossibilité du recouvrement en raison de l'insolvabilité totale du débiteur ne se pose en pratique qu'au stade de l'exécution forcée, c'est-à-dire après qu'un jugement ordonnant le remboursement ait été rendu, ce qui suppose qu'aucun motif de renonciation au recouvrement n'avait pu être invoqué avant d'en arriver si loin.
La renonciation au recouvrement pour ce motif suppose la preuve du fait que le débiteur ne dispose d'aucun bien saisissable. On se trouve alors face à des situations extrêmes, telle que celle d'un débiteur ne percevant pas d'autres prestations sociales qu'un revenu d'intégration et louant une chambre meublée dans laquelle il ne dispose d'aucun bien personnel. En cas de tentative de saisie mobilière, l'huissier devrait dans une telle hypothèse rédiger un " P.V. de carence " car il ne pourrait que constater l'absence de tout bien saisissable appartenant au débiteur.
Sur le plan théorique, cette situation se distingue donc de celle, envisagée au point 2.3.2.1. ci-après, dans laquelle une saisie risquerait de coûter plus que ce qu'elle serait susceptible de rapporter.
2. Recouvrement trop aléatoire ou trop onéreux
L'idée de base dans ce contexte, consiste à éviter d'entamer ou de poursuivre la procédure de recouvrement car cela coûterait plus que ce que cela rapp orterait. En d'autres termes, le recouvrement est possible mais il est opportun d'y renoncer.
La renonciation au recouvrement concerne ici trois stades tout à fait distincts de la procédure en récupération :
- avant la notification du débit qui a été constaté;
- avant le dépôt d'une requête devant le juge;
- avant, soit d'entamer, soit de poursuivre une exécution forcée lorsqu'une décision favorable du juge a été acquise (jugement ordonnant le remboursement).
2.1. Au stade de la notification du débit
* L'arrêté royal du 26 juin 1987 (article 6) prévoit qu'au cas où aucune retenue sur prestations familiales n'est plus possible, il peut être renoncé au recouvrement si la dette est inférieure à 25 EUR.
Dans ce contexte, la caisse d'allocations familiales créancière peut estimer que le coût de la procédure administrative en recouvrement (notification du débit, rappels de cette première notification, coûts de gestion d'une éventuelle retenue intersectorielle) ne se justifie pas au regard de la somme qui pourrait être récupérée.
* La renonciation au recouvrement ne peut intervenir qu'au cas où plus aucune retenue sectorielle n'est possible pour récupérer le débit, au moment de la constatation de celui-ci. Constitue une retenue sectorielle, une retenue par la caisse créancière, une autre caisse d'allocations familiales (régime des salariés ou caisse d'assurances sociales du régime des travailleurs indépendants), une institution publique belge compétente, et même un organisme d'allocations familiales d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen.
Cette première condition se doit d'être interprétée avec bon sens. Il est bien évident qu'une interruption temporaire dans le paiement des allocations familiales dues à l'allocataire/débiteur, soit une interruption devant selon toute vraisemblance être suivie par une régularisation, ne peut justifier la renonciation au recouvrement.
* La réglementation n'offre qu'une possibilité de renonciation.
Il serait contraire à l'esprit des textes qu'un indu (ou plus vraisemblablement le solde d'un indu) même inférieur à 25 EUR, résultant d'une fraude de l'assuré social, ne fasse pas l'objet de toutes les démarches nécessaires à sa récupération.
En règle générale donc, le montant de l'indu ne peut constituer un motif de renonciation au recouvrement d'un indu provoqué par une fraude de l'assuré social.
La notion de fraude sera examinée au point 3.2. ci-après.
2.2. Au stade du dépôt d'une requête devant le tribunal du travail
En l'absence de remboursement volontaire de l'indu par l'assuré social et si des retenues ne peuvent plus être effectuées (retenues sectorielles ou intersectorielles), il s'impose de déposer une requête devant le tribunal du travail de façon à disposer d'un jugement ordonnant le remboursement.
* L'arrêté royal du 26 juin 1987 (article 1er) prévoit cependant la possibilité de renoncer au recouvrement par voie judiciaire si le débit est inférieur à 500 EUR. En effet, il est inutile d'exposer des frais d'avocat importants pour récupérer une somme proportionnellement peu importante.
* Vu la simple faculté laissée aux caisses d'allocations familiales créancières, il faut réserver cette possibilité de renonciation aux seuls cas où l'indu ne résulte pas d'une fraude de l'assuré social : sur le plan des principes, il serait totalement malsain que les sommes indûment versées suite à une fraude, puissent rester acquises au débiteur en raison du coût de la procédure judiciaire à entamer.
2.3. Au stade de l'exécution forcée du jugement intervenu
2.3.1. Principes généraux
Suite à un jugement condamnant le débiteur à rembourser la caisse, ce débiteur sera tout d'abord invité à exécuter volontairement la condamnation en versant à la caisse la somme dont celle-ci réclamait en vain le remboursement au cours de la phase amiable de récupération.
Il se peut qu'à ce stade, le débiteur ne s'exécute toujours pas.
Il faut alors envisager de procéder à l'exécution forcée, c'est-à-dire de charger un huissier de menacer le débiteur d'une saisie (commandement) puis, à défaut toujours de réaction du débiteur, de procéder à une saisie.
Les saisies peuvent être classées en trois catégories :
- les saisies mobilières: ces saisies sont effectuées sur les bien matériels, mobiliers, du débiteur (ameublement, équipements divers, titres au porteur,...) qui seront ensuite mis en vente;
- les saisies immobilières: elles concernent le patrimoine immobilier du débiteur (maisons/appartements) qui sera ensuite mis en vente;
- les saisies-arrêt: ces saisies concernent des créances que le débiteur possède vis-à-vis de tiers. Les cas les plus typiques sont ceux de la saisie du solde créditeur d'un compte bancaire (le banquier est le débiteur du débiteur de la caisse) et de la saisie de la rémunération (l'employeur est le débiteur du débiteur de la caisse). Par définition, la saisie-arrêt s'opère " chez " le tiers et non " chez " le débiteur lui-même.
Le principe général étant que le débiteur est tenu sur l'ensemble de son patrimoine (mobilier, immobilier et les créances qu'il possède contre des tiers), ces différentes saisies peuvent se cumuler.
2.3.2. Renonciation à l'exécution forcée
2.3.2.1. Renonciation à entamer la phase d'exécution forcée
2.3.2.1.1. Saisies mobilières et immobilières: débit de moins de 620 EUR
L'arrêté royal du 26 juin 1987 (article 2) prévoit qu'au cas où le débit est inférieur à 620 EUR, il peut être renoncé à entamer l'exécution. Vu que le même arrêté envisage dans une règle distincte le cas particulier des saisies-arrêt (article 3, cf. point 2.3.2.1.2. ci-après), on se situe ici dans le cadre des saisies mobilières et immobilières.
L'idée justifiant la règle est que vis-à-vis d'un enjeu relativement limité (débit sous 620 EUR), il faut minimiser les risques de procéder à des saisies déficitaires. Une saisie est déficitaire si son " produit " ne couvre même pas le montant des frais de saisie qui, en fin de compte, resteront alors à charge du créancier.
Cette règle se justifie aussi en fonction des inconvénients très importants que la saisie pourrait provoquer pour le débiteur : en cas de saisie non déficitaire pour le créancier, les honoraires de l'huissier et les frais de saisie peuvent être sans commune mesure avec le montant de la dette d'allocations familiales initiale. Par ailleurs, lors de la vente de biens du débiteur, ceux-ci seront généralement " bradés " à un prix très bas. En d'autres termes, alors que la saisie ne semble pas devoir être déficitaire, il s'avère que celle-ci va aboutir à sanctionner le débiteur d'une manière disproportionnée.
Ce deuxième motif ne peut cependant pas être invoqué en cas de fraude de l'assuré social. En effet, si l'indu provient d 'une fraude de l'assuré social, les inconvénients importants que vont lui occasionner la saisie de ses biens, ne seront finalement que la conséquence des actes qu'il a posés en vue d'obtenir indûment des prestations.
2.3.2.1.2. Saisies-arrêt
L'arrêté royal du 26 juin 1987 (article 3) prévoit que la renonciation à poursuivre une saisie-arrêt sur salaire est permise s'il apparaît que celle-ci ne débouchera sur aucune récupération effective en raison du fait que la rémunération du débiteur est si peu importante qu'elle est l également insaisissable. La possibilité de renoncer à pratiquer une saisie-arrêt vaut dans les mêmes conditions à l'égard des prestations de sécurité sociale.
L'article 1409, § 1er, du code judiciaire fixe la limite sous laquelle aucune rémunération ne peut être saisie. Les articles 1409, §1er bis et 1410, § 1er du code judiciaire prévoient le même seuil d'insaisissabilité à l'égard des différentes prestations de sécurité sociale (pensions, allocations de chômage, indemnités d'incapacité de travail etc.).
Il faut aussi préciser que certaines prestations de sécurité sociale ne peuvent en toute hypothèse faire l'objet de saisies-arrêt. C'est notamment le cas pour les allocations familiales, le revenu d'intégration et la garantie de revenus aux personnes âgées.
2.3.2.1.3. Débiteur établi à l'étranger
L'arrêté royal du 26 juin 1987 (article 4) prévoit que les organismes d'allocations familiales peuvent renoncer à toute poursuite judiciaire ainsi qu'à poursuivre l'exécution forcée à charge du débiteur établi à l'étranger et qui ne possède aucun bien saisissable en Belgique. Tant les poursuites judiciaires que l'exécution forcée peuvent donc être abandonnées à l'égard des débiteurs établis à l'étranger qui ne possèdent pas de biens saisissables en Belgique. La récupération à l'étranger est considérée d'office comme trop aléatoire ou trop onéreuse pour être engagée vis-à-vis du débiteur résidant à l'étranger.
En pratique, les dossiers relatifs à des débiteurs établis à l'étranger devront être traités de la manière suivante:
a) Phase préalable
La caisse traite le débit de manière normale, c'est-à-dire qu'elle gère le dossier comme elle le ferait de ses autres débits (elle adresse une demande de remboursement suivie de rappel(s)).
Si le débiteur est établi dans un pays membre de la CEE, de l'EEE ou en Suisse, la caisse devra toutefois également s'informer auprès de l'organisme de liaison de la possibilité de récupération du débit par le biais de retenues sur les prestations de sécurité sociale dues dans le nouveau pays de résidence.
b) Contrôle sur l'absence de bien saisissable en Belgique
En cas d'échec de la première phase, c'est-à-dire en cas d'absence de réponse dans le mois à compter du dernier rappel ou de refus de remboursement, la caisse s'informe sur les avoirs du débiteur en Belgique. Cette obligation est rencontrée à suffisance lorsque la caisse a vérifié, via les flux, si le débiteur bénéficie de prestations de sécurité sociale belge et s'est informée auprès de la direction de l' " Enregistrement et domaines " ou du " Cadastre " de l'existence en Belgique de propriétés immobilières appartenant au débiteur.
c) Exécution
Si le contrôle révèle que le débiteur possède des biens saisissables en Belgique, il est procédé à leur réalisation après, si besoin, obtention d'un jugement, pour autant cependant que leur vente soit suffisante pour faire face aux frais engagés.
d) Période d'intégration ouverte au cadastre
A défaut de biens réalisables ou en cas d'insuffisance de ceux-ci, l'intégration du débiteur est maintenue au cadastre, à dater de la dernière mise en demeure lui adressée, durant le délai applicable figurant à l'article 120bis L.C., à savoir actuellement 3 ans à moins que le débit ne soit dû à une erreur de la caisse (1 an) ou causé par la mauvaise foi du débiteur (5 ans). Le maintien de la période d'intégration ouverte permet à la caisse de rester informée de tout mouvement éventuel des données légales et socioprofessionnelles du débiteur. Si, durant ce délai, la caisse est informée que le débiteur est de nouveau présent sur le territoire belge ou perçoit des prestations de sécurité sociale belge, elle reprend contact avec lui.
e) Renonciation
Ce n'est qu'au terme de la 4ème étape, soit après l'écoulement d'un des délais prévus à l'article 120bis L.C., que la caisse d'allocations familiales sera autorisée à imputer le débit au fonds de réserve. L'imputation se fera sur base de l'article 4 de l'arrêté royal du 26 juin 1987 uniquement (débiteur établi à l'étranger).
2.3.2.2. Renonciation à poursuivre la phase d'exécution forcée.
Cette hypothèse ne concerne que les saisies mobilières et immobilières.
On se trouve ici dans l'hypothèse où l' exécution a été entamée :
- soit parce que l'indu atteint au moins 620 EUR;
- soit parce que l'indu n'atteint pas 620 EUR mais trouve son origine dans une fraude de l'assuré social et que la saisie ne s'annonçait pas déficitaire au moment d'entamer la phase d'exécution forcée (voir 2.3.2.1.1.ci-dessus).
Même lorsque le processus de saisie est en cours, voire avant la mise en oeuvre effective de la saisie pour autant que la caisse dispose de tous les éléments d'information nécessaires en provenance de l'huissier instrumentant, la renonciation au recouvrement peut encore intervenir.
L'arrêté royal du 26 juin 1987 (article 5) prévoit ainsi que les organismes d'allocations familiales peuvent renoncer à poursuivre l'exécution forcée lorsque la valeur des biens saisis apparaît insuffisante pour couvrir les frais inhérents à la poursuite de la procédure.
La règle concerne en principe le stade où l'huissier qui pratique la saisie constate que la valeur des biens faisant l'objet de la saisie est insuffisante pour couvrir les frais futurs liés à la vente de ceux-ci. A ce dernier stade, il s'impose en réalité de ne pas poursuivre une procédure qui ne débouchera que sur de nouveaux frais: la possibilité est donc offerte d'en rester là plutôt que de continuer à agir en pure perte.
Cette situation est donc différente de celle de l'impossibilité de réaliser une saisie à défaut de tout bien saisissable, situation qui débouche sur la rédaction d'un " P.V. de carence " par l'huissier (cf. point 1.2.2.).
2.3.3. Remarques concernant l'exécution forcée
2.3.3.1. Justification de la distinction réglementaire établie entre les possibilités de renonciation à entamer une procédure judiciaire et de renonciation à poursuivre l'exécution forcée.
On peut se poser la question de savoir pourquoi la réglementation peut contraindre à agir en justice alors que le dossier fait déjà apparaître, au moment où la requête est déposée, que de sérieux indices d'insolvabilité du débiteur, existent.
La réponse est à trouver dans le fait que le jugement ordonnant le remboursement constitue un titre exécutoire valable pendant 10 ans. Cette durée de validité pourra elle-même être renouvelée par un premier acte de saisie.
Ainsi, la caisse en se munissant d'un jugement ordonnant le remboursement, se procure une garantie de recouvrement immédiat en cas de retour à meilleure fortune du débiteur.
2.3.3.2. Utilisation des informations recueillies par l'huissier lors du commandement
Comme on l'a dit ci-dessus au point 2.3.2.2., la poursuite de la procédure en recouvrement peut être arrêtée lorsque l'huissier qui pratique la saisie constate que la vente des biens saisis causerait seulement de nouveaux frais pour la caisse, en d'autres termes que la saisie serait déficitaire. Par ailleurs, la preuve de l'absence de tout bien saisissable (P.V. de carence) permet également de renoncer à l'exécution forcée, le recouvrement étant alors impossible (cf. point 1.2.2.).
Lorsque dans un dossier particulier, l'huissier qui a signifié le commandement de payer préalable à la mise en oeuvre de la saisie, constate déjà que la saisie déboucherait soit sur la rédaction d'un procès-verbal de carence, soit sur une saisie déficitaire, il s'avère inutile pour la caisse de poursuivre l'exécution forcée.
Par conséquent, cette information qualifiée reçue de l'huissier au moment du commandement de payer, c'est-à-dire avant saisie effective des biens, justifie l'abandon du recouvrement et la mise à charge du débit au fonds de réserve.
3. Recouvrement socialement contre-indiqué.
Cette dernière hypothèse de renonciation est sans doute la plus délicate à appliquer.
En effet, les impératifs légaux sont ici les plus nettement contradictoires: d'une part, la loi impose de procéder à la récupération de l'indu, mais, d'autre part, elle permet de renoncer au recouvrement en se situant sur le terrain de l'équité.
La notion de recouvrement socialement contre-indiqué n'est aucunement définie par la loi et, en conséquence, il est nécessaire de préciser les circonstances permettant de l'invoquer. On examinera dès lors ci-après les conditions cumulatives permettant de conclure à l'existence d'un recouvrement socialement contre-indiqué, devant être présentes dans le chef du débiteur. La question ne sera donc pas examinée selon un autre axe d'analyse possible, soit l'attitude de la caisse créancière, qui, en raison de son action ou de son inaction passée, pourrait décider de renoncer au recouvrement pour des raisons sociales. Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsqu'une caisse s'est bornée à interrompre à plusieurs reprises la prescription, puis aurait à décider plutôt que d?entamer une procédure judiciaire, de renoncer au recouvrement au vu du temps écoulé sans gestion effective de la récupération.
3.1. Demande de renonciation au recouvrement par l'assuré social/débiteur
En application de la charte de l'assuré social, toute notification de débit doit mentionner, outre les recours judiciaires qui existent, la faculté pour la caisse d'allocations familiales de renoncer à la récupération du débit, ainsi que la procédure applicable pour en arriver à une décision de renonciation au recouvrement.
De la sorte, l'assuré social est informé, au même moment, de son obligation de rembourser l'indu et de la possibilité de demander à la caisse d'allocations familiales créancière, de renoncer au recouvrement.
En conséquence, après la notification du débit et jusqu'à l'apurement total de la dette, l'assuré social a le droit de communiquer à la caisse d'allocations familiales les motifs qui, selon lui, s'opposent à la récupération de l'indu ou du solde de l'indu. La demande de renonciation n'est donc recevable que pour autant qu'il subsiste un débit, quel qu'en soit le montant.
En principe donc, il appartient à l'assuré social de demander (lettre, déclaration, fax, e-mail,...) le bénéfice de la renonciation au recouvrement, en avançant pour cela les éléments qui lui paraissent pertinents pour obtenir une décision en ce sens.
Aucun formalisme n'est cependant de mise en cette matière. Ainsi, il est bien évident qu'au cas où un assuré social fait part à sa caisse d'importantes difficultés à opérer le remboursement, tout en ne demandant pas explicitement le bénéfice d'une renonciation, il conviendra d'interpréter sa réaction comme une telle demande.
De plus, il convient de préciser que dans certaines situations particulières (e.a. débiteur incapable de faire connaître sa volonté ou éprouvant des difficultés à communiquer son point de vue), la caisse, comme l'exige la mission sociale qu'elle est chargée d'exercer, peut d'office examiner si la renonciation ne s'indique pas en raison du caractère socialement contre-indiqué d'un recouvrement.
3.2. Bonne foi de l'assuré social
L'abandon du recouvrement au motif que la récupération est à considérer comme socialement contre-indiquée, est à examiner en se plaçant sur le terrain de l'équité: le recouvrement causerait-il un plus grand tort que l'absence de recouvrement? Sur le plan de l?équité, il serait cependant injustifiable de renoncer à récupérer un indu à la demande de l'assuré social, alors que cet indu résulte d'une fraude qu'il a commise.
Il faut donc partir du principe que la renonciation au recouvrement pour des motifs sociaux n'est possible que si l'assuré social était de bonne foi au moment du paiement indu.
La renonciation sera d'office exclue si le dossier concret fait apparaître que l'assuré social a perçu les sommes versées indûment à la suite d'une fraude.
L'existence d'une fraude est à établir en gardant à l'esprit les termes de l'article 120bis, L.C. qui à propos du délai de prescription, envisage 3 types de situations constitutives d'une fraude du débiteur :
- l'existence de manoeuvres frauduleuses : est en cause un acte positif consistant, par exemple, à trafiquer une attestation officielle ou à contrefaire la signature d'une personne au bas d'une déclaration;
- les déclarations fausses : est en cause un acte positif amenant à communiquer une information dont le déclarant sait qu'elle est contraire à la vérité;
- les déclarations sciemment incomplètes : est cette fois en cause une abstention " au milieu " de déclarations exactes, de telle façon que le déclarant a, en toute connaissance de cause, caché une partie de la vérité.
En l'absence de fraude caractérisée, la bonne foi du débiteur, toujours présumée, devra être remise en cause s'il apparaît de l'examen du dossier que le débiteur savait ou devait raisonnablement savoir qu'il percevait des prestations indues au moment de leur paiement. Il convient à ce propos de noter que l'assuré social serait d'autant moins fondé à avancer son ignorance de l'existence d'un paiement indu, qu'il avait été correctement informé par sa caisse, de sa situation en matière de droit aux allocations familiales
3.3. Situation financière du débiteur
La renonciation a lieu en faveur des personnes dignes d'intérêt, à savoir celles dont la situation financière est précaire. Le recouvrement est qualifié de socialement contre-indiqué lorsqu'il aboutit à compromettre l'équilibre financier déjà précaire du ménage du débiteur.
* Alors que la bonne foi doit s'analyser au moment du paiement indu, la situation financière du débiteur doit être examinée au moment de l'introduction de la demande de renonciation au recouvrement. La précarité dont il est fait état doit, pour être prise en considération, présenter un caractère de durabilité, ce qui a pour conséquence d'exclure du cadre de la problématique les difficultés économiques ponctuelles.
* La situation de précarité est fonction des ressources effectives du ménage du débiteur, ressources à vérifier par un contrôle domiciliaire.
Par ménage, on envisage le débiteur et son éventuel conjoint/partenaire vivant avec lui.
Par ressources il faut entendre toutes sommes, de quelque nature que ce soit, do n t dispose le ménage du débiteur, exceptées les prestations familiales que le débiteur, son conjoint non séparé de fait ou de corps et de biens, ou la personne, autre qu'un parent ou allié jusqu'au troisième degré, avec laquelle il forme un ménage de fait, perçoivent.
* Une fois les ressources du débiteur et de son éventuel conjoint/partenaire globalisées, est appliqué un montant forfaitaire mensuel d'abattement de 224EUR pour le conjoint/partenaire et pour chaque enfant bénéficiaire d'allocations familiales qu'ils élèvent dans leur ménage.
* La somme obtenue est ensuite à confronter au plafond d'insaisissabilité fixé à l'article 1409 du Code judiciaire.
En dessous du montant arrêté à l'article 1409, §1er, al. 3, du C.J., soit actuellement 1.069 EUR, il n'est procédé à aucune récupération: la renonciation est totale.
Au delà des 150 % de ce montant, soit actuellement 1.603,50 EUR, il n'est accordé aucune renonciation.
Entre ces deux plafonds extrêmes, la renonciation se fait graduellement selon le tableau suivant:
Ressources mensuelles
|
Pourcentage auquel il est renoncé
|
jusqu’à 1.085,00 EUR
|
100%
|
jusqu’à 1.145,28 EUR
|
90%
|
jusqu’à 1.205,56 EUR
|
80%
|
jusqu’à 1.265,84 EUR
|
70%
|
jusqu’à 1.326,12 EUR
|
60%
|
jusqu’à 1.386,40 EUR
|
50%
|
jusqu’à 1.446,68 EUR
|
40%
|
jusqu’à 1.506,96 EUR
|
30%
|
jusqu’à 1.567,24 EUR
|
20%
|
jusqu’à 1.627,50 EUR
|
10%
|
au-delà de 1.627,50 EUR
|
0%
|
ABATTEMENT
Montant forfaitaire d’abattement pour le conjoint/partenaire et pour chaque enfant bénéficiaire d’allocations familiales élevé dans le ménage
|
224 EUR/personne
|
Les montants repris au présent point suivent l'évolution de celui fixant la quotité insaisissable des revenus du débiteur prévu par l'article 1409 du Code judiciaire. Leur actualisation sera communiquée aux caisses par l'Office.
* Exception
La caisse dispose légalement de la possibilité d'accorder une renonciation au recouvrement alors même que les critères définis ci-dessus ne sont pas satisfaits.
La caisse peut donc, en gardant à l'esprit un objectif d'équilibre entre la bonne gestion des deniers publics et l'intérêt social qu'il y a de répondre favorablement à une demande de renonciation particulière, accorder à titre exceptionnel une renonciation plus large que celle prévue en vertu des règles définies ci-avant, voire accorder une renonciation non prévue par ces dernières.
Une telle situation pourrait, par exemple, se produire si en dépit de ressources relativement importantes, un ménage se trouve dans une situation précaire en raison de frais de première nécessité (e.a. médicaux) particu lièrement écrasants.
3.4. Remarques
3.4.1. Suites à réserver à la demande de renonciation
La caisse accuse réception de la demande de renonciation à l'indu.
En annexe de cet accusé de réception, la caisse adresse au débiteur une demande d'informations portant sur ses ressources et celles de son éventuel partenaire ou conjoint vivant avec lui.
Sous réserve des confirmations à recueillir au moment du contrôle de solvabilité à opérer ultérieurement, la caisse dispose lors de la communication par le débiteur des informations demandées, des éléments lui permettant de statuer sur la demande de renonciation.
3.4.2. Mesures d'exécution et demande de renonciation
La faculté de renoncer au recouvrement en raison du caractère socialement contre-indiqué de celui-ci, existe alors même que des retenues (sectorielles ou intersectorielles) sont possibles afin de récupérer le débit.
Par ailleurs des saisies peuvent être en cours, ou en passe d'être opérées, au moment où la demande de renonciation est formulée.
Les mesures d'exécution susceptibles d'avoir un effet irrémédiable sur la situation financière du débiteur doivent être suspendues dans l'attente de la décision à prendre sur la renonciation au recouvrement de la dette. Les saisies mobilières et immobilières ne peuvent ainsi être exécutées entre le moment du dépôt d'une demande de renonciation et la date de la décision portant sur cette demande.
En ce qui concerne les retenues sur allocations familiales ou sur d'autres prestations sociales, ainsi que les saisies-arrêt, la demande de renonciation au recouvrement n'emporte pas d'emblée leur suspension. Ce n'est que sur base des informations reçues ultérieurement du débiteur (cf. point 3.4.1.), que la caisse sera en mesure de déterminer si le débiteur, sous réserve du résultat du contrôle de solvabilité, est en mesure de bénéficier ou non d'une renonciation totale au recouvrement.
Les retenues sur allocations familiales ou sur d'autres prestations sociales, ainsi que les saisies-arrêt seront, à ce stade de la procédure, maintenues ou suspendues selon que l'importance des ressources déclarées permettent ou non une renonciation totale au recouvrement de la dette.
Si une décision de renonciation totale intervient alors que des retenues ont été opérées depuis la date de la demande de renonciation, ces retenues sont à reverser à la personne bénéficiaire de la renonciation.
3.4.3. Motivation de la décision prise suite à la demande de renonciation
La décision de renonciation au recouvrement ou de refus de renonciation au recouvrement, constitue un " acte discrétionnaire " au sens du droit administratif, vu la marge d'appréciation dont dispose l'autorité administrative (la C.A.F.) pour décider si le recouvrement est ou non socialement contre-indiqué.
En raison de cette marge d'appréciation, la décision prise doit être motivée d'une manière très précise.
La caisse d'allocations familiales doit donc, dans sa décision, faire apparaître l'ensemble des éléments objectifs qu'elle a pris en compte pour décider ou non de la renonciation au recouvrement.
3.4.4. Forme et contenu de la décision de renonciation
La décision d'octroi ou de refus est notifiée au demandeur par recommandé.
La décision de renonciation totale éteint le débit sur lequel portait la demande de renonciation. Elle précise éventuellement le versement en retour des retenues opérées depuis la demande de renonciation.
La décision de renonciation partielle indique le montant auquel il est renoncé, ce qui éteint le débit relatif à ce montant, et spécifie le montant restant en recouvrement.
3.4.5. Renonciation au recouvrement et procédure de règlement collectif
On a évoqué au point 1.2.2. ci-dessus, l'impossibilité (partielle) de procéder au recouvrement dans l'hypothèse d'une remise (partielle) de dettes décidée par le juge des saisies dans le cadre d'une procédure de règlement collectif de dettes.
Avant l'intervention du juge des saisies, se situe l'action du médiateur de dettes. Celui-ci a pour mission de proposer un plan amiable de règlement collectif de dettes au débiteur et à l'ensemble des créanciers. Ce plan amiable peut proposer des remises de dettes totales ou partielles. Dans une telle situation, une caisse d'allocations familiales devant récupérer un indu doit marquer, comme tout créancier, son accord ou son refus sur le plan proposé.
A l'occasion d'une proposition de remise de dette formulée par le médiateur , la caisse peut décider de considérer le recouvrement comme socialement contre-indiqué selon les modalités particulières qui suivent:
- il faut présumer l'accord du débiteur sur le plan proposé par le médiateur; de cette façon, la proposition du médiateur peut être assimilée à une demande de renonciation au recouvrement en raison du caractère socialement contre-indiqué de celui-ci, venant du débiteur lui-même;
- la bonne foi du débiteur lors du paiement indu doit être vérifiée: la caisse doit ainsi refuser de renoncer au recouvrement si l'indu a été provoqué par une fraude, circonstance n'empêchant pas légalement le médiateur de dettes de proposer une remise de dettes;
- le fait même qu'une procédure de règlement collectif de dettes soit en cours indique à suffisance que le débiteur se trouve dans une situation financière intenable. En conséquence, l'examen de cette situation financière par la caisse est superflu.
Il s'ensuit que lorsqu'une proposition de remise de dette (totale ou partielle) est formulée par un médiateur, la caisse est dispensée d'examiner la situation financière du ménage du débiteur et y répo ndra favorablement, quelle que soit la quotité de renonciation au recouvrement proposée, si le débiteur était de bonne foi lors du paiement indu.
Notons que si le juge des saisies refuse de prendre une décision d'admissibilité au motif que la situation financière du débiteur est tellement compromise qu'aucun règlement collectif de dettes n'est possible, il faudra bien entendu conclure à la précarité de la situation de ce débiteur.
3.4.6. Cas particulier du débiteur bénéficiant du revenu d'intégration
Lorsque le débiteur, au moment où est examinée la possibilité de renoncer à la récupération en raison du caractère socialement contre-indiqué de celle-ci, bénéficie du revenu d'intégration (RI), il peut être d'office considéré que cette récupération est de nature à gravement compromettre sa situation financière. L'octroi du RI résultant d'une enquête du CPAS sur les ressources du demandeur et des membres de son ménage, il est inutile que la caisse examine encore la situation financière de celui-ci au travers de sa propre enquête de solvabilité.
Ainsi, en cas de demande émanant d'un débiteur de bonne foi bénéficiant du RI, la renonciation sera totale.
3.4.7. Délais pour statuer sur la demande de renonciation
Sauf dans l'hypothèse d'une procédure en règlement collectif de dettes, la décision se prononçant sur la demande de renonciation est rendue au plus tard 4 mois à partir de la date fixée dans l'accusé de réception de la demande par la caisse. Ce délai peut, en cas de nécessité, être prolongé de 4 mois maximum.
Le demandeur est informé des raisons qui justifient le report de la décision et du nouveau délai endéans lequel son dossier sera traité.
Lorsque le débiteur cumule action judiciaire en contestation d'indu et demande administrative de renonciation, la caisse attendra que le juge ait vidé sa saisine avant de procéder à l'examen de la demande de renonciation qui lui est adressée. Ceci est justifié par la nature différente de ces deux procédures, le recours judiciaire impliquant une contestation tandis que la demande de renonciation suppose une reconnaissance du débit. Une fois la procédure judiciaire terminée, l'examen de la demande de renonciation devra être finalisé dans le délai de 4 mois (ou 8 mois) fixé ci-avant.
3.4.8. Introduction d'une nouvelle demande
Le débiteur auquel une décision de refus ou de renonciation partielle est notifiée peut, s'il justifie d'une diminution des revenus de son ménage, introduire une nouvelle demande. Sous peine d'irrecevabilité, il joint à sa demande les pièces qui attestent du changement économique invoqué.
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