EXPOSE DES PROBLEMES
Dans le régime des travailleurs salariés, l'attributaire peut se trouver dans trois types de situations, savoir le travail, la situation assimilée ou situation particulière d'attribution.
Il n'existe pas le moindre doute quant à l'application stricte de la norme des articles 59 et 60, §3, 3°, c, L.C. en cas de prestations de travail ou de situations assimilées au travail. Dans toutes les situations énumérées à l'article 53, § 1er, L.C. la norme de l'occupation à mi-temps doit être examinée en cas de carrière mixte ou de cumul. La plupart des périodes assimilées sont d'ailleurs de courte durée et temporaires.
Le problème abordé dans la présente circulaire est de savoir si tel est également le cas pour les situations particulières d'attribution qui, souvent, durant plus longtemps (invalidité, chômage, détention) et sont même parfois également définitives (décès, mise à la retraite). Non seulement il y a cette distinction théorique, mais en outre il sera également plus difficile en pratique de retrouver l'occupation antérieure, dans une situation d'attribution. Il n'est pas rare que de nombreuses années se soient écoulées entre-temps et dans certains cas il n'y a même jamais eu d'occupation antérieure (articles 56 quinquies et sexies).
Le respect strict de la norme de l'article 59 dans toutes les situations d'attribution n'offre donc pas une solution totalement satisfaisante. Par contre, si cette norme n'était plus examinée dans toutes les situations, il en résulterait de nouveaux problèmes. Ainsi, la question se pose de savoir s' il est indiqué d'octroyer le droit aux allocations familiales à quelqu'un à qui les allocations familiales ont été refusées pendant son occupation sur la base de l'article 59 ou 60, § 3, L.C. dès qu'il se trouve dans une situation particulière d'attribution ?
Exclusion des droits résiduaires.
Il faut d'emblée préciser clairement que les droits dits résiduaires, c.-à-d. les droits aux allocations familiales qui ne peuvent être accordés explicitement par la loi que pour autant qu'il n'existe pas d'autre droit aux allocations familiales dans le régime des travailleurs salariés ou dans celui des indépendants, du chef du même ou d'un autre attributaire, ne font pas l'objet de la présente circulaire.
SITUATION D'ATTRIBUTION REGLEE EXPLICITEMENT PAR LA LOI
En matière de droit aux allocations familiales d'orphelin(art.56bis et 56quinquies), il convient de se référer à l'article 60,§3,1° L.C. Le droit aux allocations familiales d'orphelin est établi dans le régime du parent attributaire décédé en premier lieu. Si celui-ci, qu'il ait été attributaire salarié ou indépendant au moment de son décès, a satisfait aux conditions pour prétendre à au moins six allocations forfaitaires mensuelles au cours des douze mois précédant immédiatement le décès, ce qui implique que les conditions déterminées à 1'article 60,§3,3°,c) L.C. doivent être remplies, le droit aux allocations familiales d'orphelin est fixé dans le régime des travailleurs salariés.
Il faut examiner la norme de l'article 59 L.C. lorsque le parent décédé en p remier lieu avait lui-même une carrière mixte.
SOLUTIONS POUR LES DIFFERENTES SITUATIONS D'ATTRIBUTION QUI NE SONT PAS REGLEES EXPLICITEMENT PAR LA LOI
Point de départ général
Afin de tenir compte tant des difficultés pratiques que de la question d'opportunité exposées ci-dessus, il faut opérer une distinction selon que la situation particulière d'attribution du chef de l'attributaire salarié se présente avant ou après l'activité indépendante ou le cumul avec un attributaire indépendant.
Première hypothèse : la situation d'attribution se présente avant l'activité indépendante ou le cumul
1. Règle
Lorsque la situation particulière d'attribution du chef du travailleur salarié attributaire se présente avant l'activité indépendante de ce travailleur ou avant le cumul avec un indépendant attributaire, la norme des articles 59 et 60, § 3, °, c, L.C. est censée être respectée, à condition que le droit aux allocations familiales sur la base de 1a situation d'attribution soit la continuation d'un droit durable en tant que travailleur salarié, et/ou à condition que l'attributaire bénéficie d'une prestation dans une branche des assurances sociales des travailleurs salariés.
(a) la continuation d'un droit durable
Les lois coordonnées imposent à plusieurs reprises comme condition pour pouvoir établir un droit aux allocations familiales sur la. base d'une situation particulière d'attribution, que cette situation d'attribution ait été précédée d'un droit durable en tant que travailleur salarié. Concrètement, le travailleur salarié attributaire doit au cours des douze mois précédant immédiatement l'événement donnant lieu au passage à une situation d'attribution, avoir rempli les conditions pour pouvoir prétendre à au moins six allocations forfaitaires mensuelles dans le régime des travailleurs salariés. Il n'est pas requis que des allocations familiales aient été réellement payées. L'existence d'un droit potentiel suffit. En outre, on peut tenir compte de l'avantage de la trimestrialisation, à savoir qu'une personne qui a travaillé un seul jour en janvier, peut être attributaire pendant une demi-année et dispose aussitôt d'un droit durable.
Ainsi, par exemple, le pensionné ne pourra être attributaire que si au cours des douze mois qui ont précédé immédiatement sa mise à la retraite, il a rempli les conditions pour pouvoir prétendre à six allocations forfaitaires au moins (art.57, L.C.). La même condition s'applique pour:
- le travailleur malade non indemnisé (art. 56, § 1er, 3°) ;
- le conjoint décédé (art. 56 quater);
- le détenu (art. 56 decies).
Le travailleur qui était atteint d'une incapacité de travail de 66 p.c. au moins avant d'avoir commencé à exercer effectivement une activité professionnelle (art. 56, § 2, 4°), doit avoir satisfait au cours d'une période de douze mois aux mêmes conditions.
Dans tous ces cas, la norme de l'article 59 est censée être atteinte au début de l'activité indépendante ou du cumul, en d'autres mots il n'est pas requis de vérifier concrètement si l'occupation antérieure a été ou non exercée au moins à mi-temps.
(b) le bénéfice d'une prestation dans une branche des assurances sociales des travailleurs salariés
Les lois coordonnées prévoient dans d'autres dispositions, comme condition pour établir un droit aux allocations familiales sur la base d'une situation d'attribution, que l'attributaire bénéficie d'une prestation dans une branche des assurances sociales des travailleurs salariés. La continuation de ce droit aux allocations familiales est donc dépendante du bénéfice permanent de cette prestation.
Ainsi, la travailleuse en repos d'accouchement ne pourra (être attributaire que si elle bénéficie d'une allocation de maternité (art. 56, § 1er, 1" L.C.). Une condition analogue vaut pour :
- le travailleur atteint d'une maladie (professionnelle) ou victime d'un accident (de travail) (art. 56, § 1er, 1° et 2°);
- l'ouvrier mineur qui bénéficie d'une d'invalidité des ouvriers mineurs ou qui pension remplit toutes les conditions d'attribution (art. 56, § 2, 1°, b et c);
- le conjoint survivant (art. 56 quater);
- le travailleur qui bénéficie d'une allocation d'interruption(art.56 octies) dans la mesure où il n'ouvre aucun droit aux allocations familiales dans le régime des allocations familiales pour travailleurs (indépendants ;
- le chômeur temporaire ou complet (art. 56 novies, 1°);
- le pensionné (art. 57).
Dans tous ces cas, il ne faut pas non plus vérifier concrètement au début de 1'activité indépendante ou du cumul si l'occupation antérieure a été exercée ou non au moins à mi-temps.
Le montant de la prestation ne joue aucun rôle. Il peut être réduit en raison d'une activité indépendante.
2. Cas particuliers et'exceptions
(a) le travailleur victime d'un accident non bénéficiaire d'une indemnité, (art. 56, § 1er, 4°)
Pour le travailleur victime d'un accident non bénéficiaire d'une indemnité, et atteint d'une incapacité de travail de 66 p.c. au moins, il n'y a aucune condition supplémentaire pour conserver le droit aux allocations familiales. Ni la continuation d'un droit durable, ni le bénéfice d'une prestation sociale rie sont donc requis.
Solution
Dans cette situation, il faudra toutefois tenir compte du volume de travail en cas d'activité indépendante ou de cumul, c.-à-d. qu'il faudra vérifier si la norme de l'occupation à mi-temps au moins a été atteinte avant l'accident.
S'il n'y a pas d'activité salariée antérieure ou si celle-ci est insuffisante, le droit aux allocations familiales est établi dans le régime des indépendants.
(b) le travailleur dont la capacité de gain est réduite à un tiers ou moins, ou qui relève de la catégorie II, III ou IV en ce qui concerne le degré d'autonomie (art. 56, § 2, 3°)
Pour conserver le droit aux allocations familiales, le travailleur dont la capacité de gain est réduite à un tiers ou moins de ce qu'une personne.valide est en mesure de gagner, ou qui relève de la catégorie II, III ou IV, en ce qui concerne le degré d'autonomie conformément à la législation relative aux allocations aux handicapés, doit avoir bénéficié d'allocations familiales immédiatement avant sa mise au travail, en application de l'article 56 quinquies, L.C.
Solution
Dans cette situation, il faudra tenir compte du volume de travail en tant que travailleur salarié en cas d'activité indépendante ou de cumul, c.-à-d. qu'il faudra vérifier si la norme d'occupation à mi-temps au moins est atteinte dans l'occupation actuelle ou a été atteinte dans une éventuelle occupation antérieure.
Dans la négative, le droit aux allocations familiales est établi dans le régime des indépendants.
(c} le handicapé sans activité professionnelle (art. 56 quinquies)
Pour établir un droit aux allocations familiales, le handicapé qui n'exerce pas d'activité professionnelle doit bénéficier d'une allocation de remplacement de revenus ou d'une allocation d'intégration. Ces allocations ne sont pas des prestations dans une branche des assurances sociales des travailleurs salariés, mais des prestations d'assistance sociale.
Solution
Dans ce cas, il n'y a pas d'occupation actuelle et rarement une occupation antérieure. Il est donc évident que le droit aux allocations familiales sera établi en principe dans le régime des travailleurs indépendants.
C'est uniquement dans le cas d'une occupation antérieure qu'il pourra être tenu compte du volume de travail de celle-ci.
(d) l'étudiant attributaire sensu lato (art. 56 sexies)
Le droit aux allocations familiales de l'attributaire sa qualité d'écolier, d'apprenti, d'étudiant ou d'étudiant préparant un mémoire de fin d'études supérieures, est prioritaire sur le droit que le même attributaire ouvre comme assuré social ou bénéficiaire social. En cas de double qualité étudiant-indépendant, le droit en qualité d'étudiant l'emporte donc.
Il n'en n'est toutefois pas ainsi pour les jeunes liés par un contrat d'apprentissage industriel, les personnes qui font un stage pour pouvoir être nommées à une charge et les jeunes demandeurs d'emploi, qui exercent une activité indépendante. Dans ce cas, il s'agit d'un droit résiduaire et le droit en tant que travailleur indépendant l'emporte, si les conditions sont remplies dans ce régime.
Le droit des étudiants et assimilés n'est également que résiduaire lorsqu'il existe un droit aux allocations familiales du chef d'un autre attributaire dans le régime des travailleurs indépendants.
(e) le chômeur non indemnisé (art. 56 novies, 2°)
Il faut examiner concrètement si les chômeurs non indemnisés, temporaires ou complets, qui ne sont pas exclus du droit aux allocations familiales, atteignent ou non la norme de l'occupation à mi-temps. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que pour certaines catégories de chômeurs complets non indemnisés, il s'agit seulement d'un droit résiduaire (art.4 de l'arrêté royal du 25 février 1994).
(f) l'attributaire qui remplit son service militaire après une situation d'attribution (art. 53, § 2)
Il faut distinguer d'une part, le service militaire après une période de travail ou après une situation assimilée à du travail (art. 53, §1er, 4°, L.C.) et d'autre part, le service militaire après une situation particulière d'attribution (art. 53,§ 2).
Dans ce dernier cas, il est possible que le milicien n'ait jamais fourni de prestations de travail auparavant. Si l'activité indépendante ou le cumul débute pendant le service militaire ou avait déjà débuté pendant une situation d'attribution précédente, le droit prioritaire aux allocations familiales qui existait déjà dans le régime des travailleurs salariés peut être censé encore satisfaire à la norme de l'occupation à mi-temps au moins, sans que cela doive être vérifié concrètement.
Si l'intéressé n'était pas attributaire dans le régime des travailleurs salariés au début du service militaire, le service militaire ne peut en soi ouvrir un droit et dès lors ouvrir un droit prioritaire.
Deuxième hypothèse : la situation d'attribution se présente après l'activité indépendante ou après le cumul.
Règle
Lorsque la situation particulière d'attribution du chef du travailleur salarié attributaire se présente après l'activité indépendante de ce travailleur salarié ou après le cumul avec un travailleur indépendant attributaire, cela signifie que dans la plupart des cas la norme des articles 59 et 60, § 3, 3°, c, L.C. a déjà été examinée. Aussi faut-il continuer à tenir compte, durant la situation d'attribution, du droit prioritaire aux allocations familiales établi auparavant. Deux situations peuvent se présenter concrètement.
(a) La norme de l'occupation à mi-temps au moins a été atteinte a pendant l'occupation antérieure et les allocations familiales sont payées par le régime des travailleurs salariés.
Dans ce cas, le régime des travailleurs salariés continue à payer sur la base de l'occupation antérieure à mi-temps.
(b) La norme de l'occupation à mi-temps au moins n'a pas été atteinte pendant l'occupation antérieure et les allocations familiales sont payées par le régime des travailleurs indépendants.
Dans ce cas, le régime des travailleurs indépendants continue à payer. L'intéressé devra signaler les modifications éventuelles de la situation de travail. L'organisme d'allocations familiales ne doit prendre aucune initiative.
Remarque
Chaque fois que la norme des articles 59 et 60, § 3, 3°, c, L.C. n'a pas été réellement examinée avant que la situation d'attribution ne se produise, par exemple parce qu'un nouveau droit (ex. première. naissance) n'est né qu'ultérieurement, il faudra, à titre exceptionnel, vérifier l'occupation précédente et examiner la norme précitée.
Il en est de même en cas de cumul lorsque le droit prioritaire a été établi en premier lieu sur la base d'une autre disposition que l'article 60, § 3, 3°, c, L.C., par exemple en cas de cohabitation d'un parent travailleur indépendant et d'un non-parent, qui est par exemple un travailleur salarié invalide (art. 60, § 3, 3°, b, L.C.). Lorsque ces deux personnes se marient, le droit prioritaire devra être examiné dans le cadre de l'article 60, § 3, 3°, c, L.C. et l'occupation antérieure du beau-père ou de la belle-mère devra être examinée.
EXEMPLES
Première hypothèse
(a) Un travailleur salarié dont l'occupation est inférieure à un mi-temps, titulaire d'un droit durable aux allocations familiales, est condamné à une peine d'emprisonnement et conserve ainsi sa qualité d'attributaire. Sa femme commence ensuite une activité indépendante. Le mari détenu conserve néanmoins le droit prioritaire, parce que la norme de l'article 59 ne doit pas être examinée dans ce cas.
(b) Une travailleuse salariée dont l'occupation est inférieure à un mi-temps devient une chômeuse complète et reçoit des allocations de chômage lui permettant ainsi de conserver sa qualité d'attributaire. Son mari commence ensuite une activité indépendante. La femme chômeuse conserve néanmoins le droit prioritaire parce que la norme de l'article 59 ne doit pas non plus être examinée.
Deuxième hypothèse
Un ménage se compose d'un mari travailleur indépendant et d'une femme dont l'occupation est inférieure à un mi-temps. Le mari est l'attributaire prioritaire. La femme devient malade et reçoit une indemnité. La priorité ne change pas.
DISPOSITIONS FINALES
La présente circulaire entre immédiatement en vigueur. Elle ne donne pas lieu à une révision d'office des dossiers déjà traités.
Les dispositions de la circulaire ministérielle n° C.M. 447 du 24 novembre 1986 sont rappelées. Lorsqu'un travailleur salarié est devenu indépendant et est soumis au statut social des travailleurs indépendants, et qu'il peut établir ultérieurement un droit dans le régime des travailleurs salariés sur la base d'une situation particulière d'attribution, il n'est pas exigé que cet attributaire soit également encore soumis au champ d'application des lois coordonnées, lors de l'événement. Seules les conditions propres à la situation d'attribution concernée importent, par exemple le droit durable ou le bénéfice d'une prestation sociale. Ainsi, un travailleur pensionné conserve son droit aux allocations familiales comme travailleur salarié et son droit prioritaire, même s'il est devenu travailleur indépendant quelques mois avant sa pension.
Je vous prie de porter la présente circulaire à la connaissance de vos services d'exécution et de la communiquer, le cas échéant, aux organismes publics qui sont sous votre tutelle et qui paient eux-mêmes les allocations familiales à leur personnel.